Page 99 - eco-savoirs pour tous
P. 99

La génétique s’orienta alors vers les études évolutionnistes en suivant
               la voie ouverte par Theodosius Dobzhansky, né en Russie mais travaillant
               aux États-unis, qui étudia notamment l’évolution des populations de la
               mouche du fruit, la drosophile. D’autres chercheurs tels que les anglais E.
               B. Fors et H. B. D. Kettlewell travaillaient de leur côté sur la sélection
               adaptative dans les populations naturelles, fondant ce que l’on appelle la
               génétique écologique. Un autre nom étroitement lié à cette phase de flo-
               raison des études de biologie évolutionniste a été celui de Julian S. Huxley
               (1887-1975), qui vulgarisa les concepts de synthèse moderne et qui divul-
               gua à un large public les concepts élaborés par Fisher, Haldane et Wright.
                 Cette voie de l’évolutionnisme est restée contestée quelque temps. Dans
               les années 1930, des spécialistes de systématique (dont G. C. Robson et O.
               W. Richards) n’acceptaient ni les théories de Mendel, ni celles de Darwin.
               Et des généticiens, comme l’allemand R. Goldschmidt, soutenaient plutôt
               une théorie de macromutations, d’après laquelle les espèces évoluaient non
               pas à travers la sélection de petites variantes mais par la succession de mu-
               tations aux effets plus conséquents. En outre, bien que l’ouvrage de Darwin
               s’intitule l’Origine des espèces, la façon dont effectivement les espèces nais-
               saient n’y était pas encore assez traitée par l’auteur, et la discussion au sujet
               de l’énigme de l’origine des espèces était donc d’autant plus entretenue.

                 Ernst Mayr (1904-2005), qui avait quitté l’Allemagne nazie avec Gold-
               schmidt, a finalement fait avancer la théorie de la spéciation (c’est-à-dire
               les modalités par lesquelles naissent de nouvelles espèces) et la définition
               de la notion d’espèce, avec une série de conséquences importantes au ni-
               veau des études de systématique. De son côté, la biologie systématique, qui
               visait à définir les groupes d’êtres vivants et à les classer par affinités, fut la
               première discipline à appliquer officiellement une synthèse moderne, à tra-
               vers la révision de ses méthodes et de ses conclusions.
                 Le paléontologue américain George G. Simpson (1902-1984) en fut un
               promoteur notable. Il appliqua une synthèse moderne néo-darwinienne à
               ses études paléontologiques, réfutant entre autres la croyance, répandue
               à l’époque, selon laquelle des séries fossiles analysées pouvaient indiquer
               une tendance implicite des espèces à évoluer dans une direction détermi-
               née. Vers le milieu des années 1940, la synthèse moderne avait donc déjà
               influencé plusieurs domaines de la biologie. Mais la route allait rester dif-
               ficile et le débat animé, jusqu’au développement, à partir des années 1960,
               de la biologie moléculaire. Les théories pouvant dès lors être mieux véri-
               fiées par l’étude des molécules protéiques, une grande quantité de don-
               nées traitées a confirmé l’importance de la synthèse moderne.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      99
   94   95   96   97   98   99   100   101   102   103   104