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D’un autre côté, ces variations autour d’une même disposition fonc-
          tionnelle peuvent parfois finir en inconvénients. Nous devons extraire
          nos dents de sagesse, parce que notre mâchoire est devenue plus courte
          que  celle  de  nos  ancêtres,  et  qu’elle  ne  peut  plus  recevoir  le  même
          nombre de dents. Nous devons prendre de la vitamine C parce que nos
          ancêtres mangeurs de fruit avaient perdu la capacité de la synthétiser.
             L’étude du développement embryonnaire animal fournit d’autres indi-
          cations intéressantes, et permet de se faire une idée de l’origine d’orga-
          nismes différents descendant d’ancêtres communs. Les premières phases
          du développement embryonnaire chez tous les vertébrés sont étonnam-
          ment semblables, et un embryon précoce d’amphibien est difficilement
          distinguable d’un embryon précoce de mammifère. Comment expliquer ce
          fait, sinon par l’hypothèse d’une ascendance commune ? S’ils ne descen-
          dent pas de reptiles, pourquoi les oiseaux présentent-ils des dents dans cer-
          taines phases du développement embryonnaire, et en sont-ils dépourvus
          au stade adulte ? S’il n’y avait pas une parenté commune entre tous les
          vertébrés, pourquoi à un certain stade l’embryon lové dans le ventre ma-
          ternel d’une femme du 20 ème  siècle présente-t-il l’ébauche de branchies ?

             Un autre facteur important de l’adaptabilité évolutive s’observe dans
          la dynamique quantitative de reproduction. Une femelle de morue atlan-
          tique de dix ans peut libérer dans l’eau jusqu’à 2.000.000 d’œufs. Si tous
          ces œufs éclosaient et si toutes les larves parvenaient au stade adulte, en
          l’espace de quelques décennies, la mer déborderait de poissons. La réalité
          est qu’en moyenne, sur ces 2 millions d’œufs, seuls deux ou trois parvien-
          nent  à  maturité.  Chez  de  nombreuses  espèces  animales,  la  mortalité
          touche principalement les premiers stades du développement.

             Et même chez les espèces qui produisent une descendance très peu
          nombreuse, comme les éléphants, Darwin a calculé que si tous les des-
          cendants d’un couple survivaient, en à peu près 700 ans on en compterait
          19 millions. Or, il n’existe pas dans leur milieu naturel de ressources suf-
          fisantes pour alimenter autant de morues et d’éléphants.
             L'équilibre est donc maintenu parce qu’une grande partie de la des-
          cendance meurt avant de se reproduire. La clé du maintien évolutif de
          chaque espèce consiste alors à doter le mieux possible ses survivants po-
          tentiels. Parfois, la chance intervient, mais en général, celui qui survit est
          surtout le mieux capable de lutter avec succès contre d’autres individus,
          d’échapper aux prédateurs, de résister à l’infection, c’est-à-dire qu’il pos-
          sède un ensemble de propriétés que les anglo-saxons appellent fitness.



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