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L’adaptation est donc un concept à nuancer. Si l’on observe une tor-
          tue marine qui marche péniblement sur le sable pour y pondre ses œufs,
          on n’a pas l’impression que ses pattes soient adaptées à cette tâche parti-
          culière. Pourtant, la tortue se déplace mieux sur le sable qu’une baleine
          qui s’y est échouée. En ce sens, l’adaptation doit être considérée comme
          un compromis pragmatique, et l’évolution peut être comparée au travail
          d’un ingénieur qui doit continuellement faire de tels compromis.
             Ainsi, la morphologie d’un hareng est un compromis entre les condi-
          tions hydrodynamiques requises pour un nageur infatigable (un corps fu-
          selé et une nageoire caudale en forme de croissant) et la nécessité de ne
          pas être trop visible par les prédateurs qui nagent dans les eaux environ-
          nantes (d’où un corps comprimé latéralement).
             Notre langue joue un rôle aussi bien dans la mastication et dans le
          goût que dans l’émission de sons, et sa morphologie est un compromis
          entre ces nécessités. La possibilité de maintenir la station debout nous
          permet de transporter des objets, mais nous expose en revanche à des
          maux de dos. Le rhinocéros indien a une seule corne, tandis que le rhi-
          nocéros africain en a deux ; mais il n’y a pas de raison de penser qu’une
          seule corne soit une adaptation contre les prédateurs indiens et que deux
          cornes représentent une adaptation contre les prédateurs africains. Plus
          simplement on peut penser que ces deux espèces se sont développées à
          partir de conditions initiales légèrement différentes, et qu’elles ont réagi
          ensuite à des conditions externes de façon différente.
             Compte tenu de ces considérations, et sachant que certains change-
          ments évolutifs sont fortuits, il ne faut donc pas tenter de trouver une ex-
          plication adaptative à tous les phénomènes biologiques. L’adaptation existe
          et est constamment observable dans le monde qui nous entoure, mais ce
          n’est qu’un des aspects de l’évolution. Un poisson a des nageoires par et
          pour son adaptation à la nage, tout comme un cétacé. Un oiseau a des ailes
          adaptées au vol, de même pour une chauve-souris ou pour un papillon.

             Mais si cette convergence de formes entre des lignées évolutives indé-
          pendantes témoigne d'un phénomène adaptatif, elle ne justifie pas à elle
          seule le phénomène. Par exemple, le processus d’adaptation est intéressant
          à analyser en matière de reproduction. Une femelle qui se reproduit de
          manière asexuée produira des femelles qui à leur tour se reproduiront de
          manière asexuée. En revanche, une femelle qui a besoin d’un partenaire
          pour se reproduire, aura une descendance constituée en moyenne pour
          moitié de mâles et pour moitié de femelles



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