Page 113 - eco-savoirs pour tous
P. 113
Si la barrière persiste dans le temps, les deux populations continue-
ront à évoluer différemment, jusqu'à ce qu'il n'y ait peut-être plus de
preuves directes et apparentes qu’il s’agissait d’espèces de même origine.
Si, en revanche, pour une cause quelconque, la barrière vient à disparaitre
(par suite d'un assèchement de fleuve ou simplement d’une migration),
les A et les B entreront de nouveau en contact, mais il peut alors arriver
que les éléments nécessaires pour qu’ils se reconnaissent comme
membres d’une même espèce aient disparu. Dans les deux cas, ces popu-
lations resteront des espèces différentes, non interfécondes.
Cette spéciation allopatrique est un processus important dans l’évo-
lution, et il semble qu’elle soit plutôt commune, comme le laissent à pen-
ser les nombreux cas de variation géographique observés. Par contre,
dans le cas d’une distribution spatiale dite parapatrique, les A qui, initia-
lement, occupaient une certaine aire géographique, commencent à avoir
des ambitions expansionnistes, et à occuper des zones contiguës.
Supposons que ces zones contiguës soient différentes du point de vue
écologique par rapport à la zone originaire, et que la sélection naturelle y
favorise les A qui ont une queue particulièrement longue et préhensile.
Dans cette population s’accumuleront de nouvelles variantes génétiques,
par lesquelles les différences entre les A appartenant aux deux populations
(centrale et périphérique) tendront à augmenter. La première étape de la
spéciation parapatrique sera alors celle de la formation, à la frontière entre
les deux populations, d’une zone où seront présents des hybrides, c’est-à-
dire des croisements entre les membres des deux populations de A.
Si les hybrides ne sont pas désavantagés, les deux populations resteront
simplement deux variantes géographiques de la même espèce A, liées entre
elles par un flux génique qui empêchera une spéciation dérivée. Il peut tou-
tefois arriver que des hybrides soient éliminés par la sélection naturelle,
comme dans le cas de A hybrides à la queue ni longue ni courte, qui ne leur
sert pas à grimper aux arbres, et qui constitue une entrave dans la course
pour échapper aux prédateurs. Dans ce cas, puisque la sélection naturelle
avantage les couples qui ont une descendance sans queue ou les couples
qui ont une descendance à la queue longue, la population de A à la queue
longue tendra, du point de vue reproductif, à être distincte de la population
sans queue, complétant ainsi le processus de spéciation parapatrique.
Au 20 siècle, nous avons eu sous les yeux un tel exemple d’hybrida-
ème
tion avec une corneille grise, fréquente sur les bords des routes italiennes,
qui appartient à l’espèce Corvus corone.
Marc CARL Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI 113