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LE VIVANT MIS EN ORDRE




                    Les biologistes se sont accordés presque tous, au 20  siècle, sur le
                                                               ème
               fait que l’espèce était l’unité fondamentale de la classification biologique.
               Mais cette convention a longtemps été délicate, voire controversée. Le
               problème était d'abord de nature théorique. Pour les questions pratiques
               courantes, comme la distinction de deux espèces de mouettes dans une
               baie, on avait recours en général à une approche morphologique, et là un
               simple guide de reconnaissance des oiseaux pouvait donner des indica-
               tions suffisantes. La distinction était encore simple dans le cas de deux
               populations d’une même espèce  vivant dans des zones géographiques
               différentes, et présentant des caractères différents. Ce type de variation,
               dite variation géographique, était plutôt fréquente dans la nature, et elle
               était présente aussi chez l’Homme, dont la variabilité est évidente.
                 Mais une distinction entre espèces pouvait être plus difficile dans le
               cas d’un passage graduel de l’une à l’autre. Dans ce cas, l’approche sim-
               plement morphologique n’était pas la plus appropriée, car s’agissant d’es-
               pèces descendant d’un ancêtre commun, il pouvait exister des popula-
               tions intermédiaires difficiles à distinguer comme espèces séparées (voir
               exposé précédent). Pour mieux clarifier cela, les biologistes évolutionnistes
               ont commencé à proposer différentes définitions du concept d’espèce.

                 On a d’abord utilisé une définition morphologique, selon laquelle l’es-
               pèce a été définie comme un groupe comprenant une série d’organismes
               se ressemblant, et pouvant être distingués de ceux d’un autre groupe. Puis
               en 1969, le biologiste évolutionniste Ernst Mayr (1904-2005) a défini l’es-
               pèce comme un ensemble de populations naturelles en mesure de se croi-
               ser (interfécondes) et isolées d’autres populations semblables en matière
               de reproduction. C’est devenu le concept biologique d’espèce le plus uti-
               lisé, même s’il n’a pas été universellement accepté. En insistant sur ce cri-
               tère de reproduction, l’espèce a pu être caractérisée par son patrimoine
               génétique : deux individus qui ne peuvent pas s’accoupler entre eux, et qui
               ne peuvent pas échanger de gènes, sont isolés du point de vue reproductif,
               et appartiennent théoriquement à deux espèces différentes.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      117
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