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Si, en partant de l’Italie du Sud, on se dirige vers le Nord, on peut en
          rencontrer un certain nombre sur le chemin, jusqu’à ce qu'on traverse les
          Alpes pour entrer en France. Là, on commence à ne voir que des cor-
          neilles semblables dans leur forme et dans leurs habitudes à celles d'Italie,
          mais  de  plus  en  plus  noires.  Ceci  s’explique  parce  qu’au  cours  des
          quelques kilomètres qui nous éloignent de la corneille grise, nous avons
          traversé sans le savoir une zone d’hybridation vers les noires françaises.
             Enfin, ce qui concerne le dernier mécanisme évoqué, celui de la spé-
          ciation sympatrique, il faut savoir que son existence effective en tant que
          phénomène  de  spéciation  est  restée  longtemps  controversée  dans  les
          études de biologie évolutive. Pour l'expliquer, on peut imaginer que dans
          une population A il existe des variantes parmi lesquelles, par exemple,
          certains A sont pourvus d’un petit bec, et d’autres d’un bec plus grand.
             Les dimensions du bec déterminent le type de nourriture des uns et
          des autres. Supposons que les A à grand bec soient moins nombreux que
          les A à petit bec, et que par conséquent, en se nourrissant de graines plus
          grandes, ils ne soient pas en compétition avec les autres, mais qu’ils aient
          à leur disposition de la nourriture en quantité suffisante, impliquant qu’ils
          mangent plus et fassent plus de petits. Une première possibilité est que
          la sélection naturelle favorise des croisements, donnant lieu à des descen-
          dants A capables de se nourrir mieux, avec un bec assez grand.
             Il peut cependant arriver aussi que les A à grand bec commencent à
          choisir des partenaires qui leur ressemblent, ce qui met peu à peu en œuvre
          des mécanismes  d’isolement  reproductif entre les deux variantes  de  A,
          jusqu’à produire une nouvelle espèce, celle des B, qui dans ce cas peuvent
          être appelés B à grand bec. Malgré tout, les conditions qui permettent cette
          spéciation sympatrique sont restrictives par rapport aux autres mécanismes,
          puisqu’elles nécessitent des variantes stables (appelées polymorphismes, tels
          que les A à grand bec et les A à petit bec) à l’intérieur d’une même popula-
          tion originelle, c’est-à-dire des variantes que confirmera ensuite (ou non) le
          processus de sélection naturelle par adaptation.
             Mais dans le cadre de cet ouvrage, il n’est pas utile d’aller plus loin
          dans ces explications génétiques pour présenter les principes généraux et
          les modalités de l’évolution adaptative, et de la description, du vivant. On
          résumera donc le propos en rappelant que, autant pour avancer utilement
          dans leurs analyses et leurs expérimentations, que pour permettre un suivi
          et un contrôle connexe (notamment éthique), de la gestion du patrimoine
          naturel vivant, les principaux contributeurs scientifiques dans ce domaine
          ont dû créer un cadre commun de référence.

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