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Pour les exposer sans recourir à des descriptions trop complexes, con-
          sidérons deux espèces imaginaires, l’une A et l’autre B. Pour faire en sorte
          que l’espèce B se forme à partir de l’espèce initiale A, il faut qu’à l’intérieur
          de cette dernière intervienne une variante génétique qui porte les caracté-
          ristiques des futurs B, et que les porteurs de cette variante n’aiment plus
          assez les A, au point qu’ils préfèrent se reproduire entre futurs B.
             Cette préférence peut s’accentuer au cours du temps, au point que les
          futurs B pourraient commencer à manger des choses légèrement diffé-
          rentes de celles que mangent les A, et qu’ils préfèrent la mer à la mon-
          tagne, la nuit au jour, etc. À la fin du processus, à partir d’une population
          initiale il peut y avoir deux populations séparées et isolées du point de
          vue comportemental, y compris reproductif, et donc génétique. Les A et
          les B pourront alors être considérés comme deux espèces distinctes.
             On peut se demander ensuite comment et dans quelles circonstances
          la nouvelle variante génétique évoluera. La variabilité, comme nous l’avons
          précisé plusieurs fois, est une caractéristique intrinsèque de toutes les es-
          pèces naturelles. Et la variation géographique étant un élément important
          de cette variabilité, une population locale d’une espèce donnée peut deve-
          nir différente, sous de multiples aspects, d’autres populations plus éloi-
          gnées de la même espèce. Les caractères distinctifs apparents de chaque
          espèce sont particulièrement sujets à cette adaptation géographique, et la
          sélection naturelle tend à favoriser cela, pour produire des variantes mieux
          adaptées aux différentes zones de diffusion de l’espèce.
             Dans le cas de la spéciation allopatrique, une différentiation plus parti-
          culière s’opère. Car deux populations jadis identiques mais séparées par
          une barrière géographique, telle qu’une montagne ou un fleuve, peuvent
          au fil du temps, en l’absence de contacts et de croisements, commencer à
          diverger. Cela peut produire des mutations locales qui, étant fortuites, peu-
          vent déterminer des changements très différents dans les deux popula-
          tions. Leur divergence peut être favorisée par des facteurs adaptatifs orien-
          tant la sélection naturelle selon les conditions locales respectives, avec des
          prédateurs différents,  des  ressources alimentaires  différentes,  des diffé-
          rences climatiques, qui impulsent une orientation adaptative imprévisible.
             Cette divergence peut être aussi tout simplement le fruit du hasard.
          Dans deux populations à fonctionnement social devenu différent, des
          phénomènes de dérive génétique fortuite peuvent aussi produire des ca-
          ractéristiques particulières à chacune d’elles, jusqu’à ce qu’il se constitue
          une population B génétiquement distincte d’une population A.



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