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Mais d’un point de vue pratique, il était parfois difficile de définir une
          espèce selon cette seule distinction, et de valider cela par une observation
          suffisante. Le critère morphologique semblait plus commode dans certains
          cas, et il répondait aussi au concept biologique d’espèce, du simple fait que
          les caractères morphologiques communs à deux individus de la même es-
          pèce induisaient leur interfécondité. Or, les membres d’une même espèce
          n’avaient souvent pas de caractères uniformes, et l’on pouvait distinguer
          parmi eux plusieurs variantes morphologiques.
             C’était le cas des espèces dites polytypiques (formées de nombreuses
          races  géographiques  distinctes).  Si  les  populations  qui  composaient
          chaque race pouvaient se croiser entre elles, elles étaient supposées ap-
          partenir à la même espèce. Mais certains morphologistes ne résistaient
          pas à la tentation d'essayer de distinguer plus finement encore ces popu-
          lations en différentes espèces. Il pouvait arriver aussi que deux popula-
          tions morphologiquement identiques soient localement isolées du point
          de vue reproductif, et considérées par là comme des espèces distinctes
          (on parlait dans ce cas d’espèces sœurs), même si pour la plupart des
          morphologistes elles constituaient quand même une seule espèce.

             La discussion sur le concept biologique d’espèce gagnait donc encore
          à être mieux clarifiée. On pouvait notamment se demander quels étaient
          les mécanismes sélectifs qui empêchaient le croisement entre différentes
          espèces. Par exemple, une jument peut être instinctivement rétive à s’ac-
          coupler avec un âne, parce qu’elle générerait une descendance stérile (le
          mulet), et tous les efforts qu’elle déploierait pour transmettre ses gènes
          seraient perdus à la génération suivante.
             Il a été admis aussi qu'une sélection naturelle puisse agir dans le main-
          tien de mécanismes d’isolement reproductif. Il y a des raisons logiques au
          fait que des espèces ne se croisent pas, parce qu’elles ont des habitats dif-
          férents, parce qu’elles ont des périodes de reproduction différentes, ou des
          comportements nuptiaux et des langages différents. Il y a aussi le fait que
          les espèces existantes ont une identité génétique protégée, et que les mau-
          vais croisements qui produisent des hybrides stériles y sont évités.

             Mais  ceci  n’explique  pourtant  pas  toute  la  diversité  accumulée.  Le
          nombre d’espèces vivantes officiellement décrites est de 2 millions envi-
          ron, sur 8 millions d’espèces estimées, et cela augmente au fur et à mesure
          des découvertes. Une classification plus précise et plus fiable de tant d’es-
          pèces reste donc l’une des tâches principales des taxinomistes, c’est-à-dire
          de ceux qui s’occupent de classifier les organismes, et de là, les espèces.



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