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Ce concept s'appuie sur les caractéristiques écologiques des popula-
               tions naturelles,  pour définir une espèce comme l’ensemble des orga-
               nismes qui occupent une même niche écologique. Là, le concept écolo-
               gique tient compte des raisons générales selon lesquelles le processus na-
               turel de sélection limite les croisements entre différentes espèces, en pré-
               cisant que la sélection naturelle limite la formation d’hybrides parce que
               ces derniers peuvent ne pas être suffisamment adaptables. En particulier,
               les hybrides reçoivent des gènes de deux espèces différentes, et ces gènes,
               compte-tenu de la différence de passé évolutif des deux espèces, peuvent
               ne pas toujours interagir en synergie bénéfique.
                 Dans la nature, il n’y a pas beaucoup d’avenir pour de tels organismes
               lorsque l’évolution opère dans des zones adaptatives avec des possibilités
               de transferts entre l’une et l’autre. Chaque zone adaptative étant délimi-
               tée, et chaque espèce s’y étant adaptée au cours de son histoire évolutive,
               quand l’hybride n’est pas en mesure d’exploiter une zone adaptative ad-
               hoc, il ne peut pas survivre. Ces conditions expliquent pourquoi les hy-
               brides sont rares, et comment la sélection naturelle reste un facteur dé-
               terminant de l’identité d’une espèce.

                 En fait, le concept biologique et le concept écologique d’espèce y sont
               étroitement liés. Si les membres d’une espèce se croisaient avec une gamme
               trop large de partenaires, en donnant vie à une descendance inadaptée, la
               sélection naturelle réagirait, en essayant de rectifier le processus, pour le
               rendre plus sélectif dans les choix. Là, l’approche écologique et l’approche
               biologique peuvent être complémentaires.

                 En outre, les arguments théoriques concernant la définition du concept
               d’espèce peuvent encore être débattus sur un dernier terrain, le terrain histo-
               rique. Une espèce visible aujourd’hui peut avoir une histoire évolutive qui
               dure depuis des millions d’années. Mais dans cette perspective, comment
               distinguer une espèce de celle qui l’a précédée ? À quel point de la ligne évo-
               lutive peut-on insérer valablement une ramification, une bifurcation, ou une
               divergence ? Ni le concept morphologique (en raison de son caractère arbi-
               traire), ni le concept biologique (comment connaître les habitudes reproduc-
               tives d’une espèce éteinte ?), ni le concept écologique (il n’est pas toujours
               possible de reconstruire les caractéristiques écologiques de formes fossiles)
               ne peuvent aider beaucoup sur ce point.
                 Une solution plus pratique pourrait venir de l’école cladistique (ou phy-
               logénétique), où l’espèce est définie comme un ensemble d’organismes qui
               occupent une ligne évolutive comprise entre deux points de bifurcation.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      121
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