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La fourmi, en retour, protège l’autre insecte contre des parasites no-
               cifs. Ce phénomène symbiotique, bien répandu dans la nature, est appelé
               mutualisme. L’évolution du comportement de la fourmi (défense contre
               les parasites) et celle de l’organe de l’autre insecte, sont étroitement liées.
               D’un point de vue évolutif, on peut imaginer que par réaction à l’aug-
               mentation du liquide produit, la fourmi a eu tendance à décourager de
               plus en plus les parasites qui auraient pu affaiblir ou tuer cette fabrique
               ambulante de bonne nourriture. Ce comportement protecteur a avantagé
               la chenille, et du point de vue évolutif, a favorisé ses organes les plus
               actifs dans la production de la substance nutritive. Dans ce cas comme
               dans d’autres, a émergé une sorte de surenchère tendant au renforcement
               des deux espèces. Ce type de mécanisme, produisant un changement évo-
               lutif commun, a été qualifié de coévolution.
                 D’autres exemples de coévolution sont dans les relations entre hôtes
               et parasites, ou entre proies et prédateurs, puisqu'une amélioration des
               capacités des uns doit nécessairement provoquer une augmentation des
               capacités des autres, au cours du temps. L’évolution du système immu-
               nitaire, ou du système nerveux, est ainsi souvent corrélée étroitement à
               des processus coévolutifs. Ce genre de course aux avantages peut être
               mis en évidence quand on étudie les fossiles de proies et de prédateurs
               du passé, et qu’on les compare avec des formes actuellement vivantes.
               On remarque par exemple que souvent les dimensions du cerveau aug-
               mentent au fil du temps, aussi bien chez la proie que chez le prédateur.
                 Plus le prédateur est rusé, plus la proie doit être rusée pour lui échapper,
               plus la proie est rusée, plus le prédateur doit être rusé pour la capturer, et
               ainsi de suite. Si l’intelligence d’une proie ou d’un prédateur est liée aux
               dimensions du cerveau, on constate donc une augmentation du volume
               cérébral chez les espèces concernées de proies et de prédateurs. Toutefois,
               nous parlons ici de temps évolutifs à grande échelle (jusqu'à des dizaines
               de millions d’années), et de séries temporelles adaptatives longues. Ce con-
               cept ne pourrait donc pas être extrapolé à l’évolution humaine moderne.
                 Il serait notamment absurde de considérer comme stupides ceux qui
               ont une tête apparemment petite, comme ont pourtant tenté de le faire
               quelques savants égarés du 19 ème  siècle. Le cerveau d’Albert Einstein a
               un poids qui correspond seulement à la moyenne. Cela devrait servir de
               référence à ceux qui tentent, par des argumentations pseudo-évolutives,
               de justifier des préjugés ethnologiques abusivement discriminants, dans
               un référentiel qui n’a rien de pertinent, ni avec le contexte évolutif naturel
               réel, ni avec l’éthique sociétale humaine légitime, ni avec la science.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      125
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