Page 126 - eco-savoirs pour tous
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Nous pouvons terminer cet exposé en évoquant encore une contribu-
          tion particulièrement impliquante du généticien japonais Motoo Kimura,
          dans la mesure où l’importance de la sélection naturelle dans l’évolution a
          été remise en question par sa théorie dite neutraliste. Selon sa théorie, fon-
          dée sur une série d’observations effectuées au niveau moléculaire, l’évolu-
          tion serait essentiellement due à des mutations neutres en matière de sélec-
          tion, c’est-à-dire à des changements qui n’amélioreraient ni ne diminue-
          raient le fitness. Les neutralistes soutiennent que la plupart des change-
          ments évolutifs seraient dus à une dérive génétique fortuite, tandis que,
          selon les tenants de la sélection naturelle, c’est cette dernière qui détermi-
          nerait principalement l’évolution, même au niveau moléculaire.
             Une dérive fortuite n’explique pourtant pas tous les changements évo-
          lutifs, alors que de son côté la sélection naturelle reste utile pour expliquer
          de nombreuses formes d’adaptation d’espèces. La théorie neutraliste ré-
          pond à cela que les adaptations observées dans la nature ne sont représen-
          tatives  que  d’une  minorité  des  changements  évolutifs  enregistrés  dans
          l’ADN. Au niveau de l’ADN et des protéines, le hasard garderait un effet
          majeur, et par conséquent, la plupart des changements que l’on observe à
          ce niveau seraient des changements non-adaptatifs. C’est seulement quand
          le hasard coïnciderait avec le besoin que l’adaptation pourrait s’ensuivre.
             La discussion entre les deux écoles, neutraliste et traditionaliste, n’est
          pas close, et le thème garde un intérêt, ayant d’importantes conséquences
          sur le plan conceptuel et prospectif humain, y compris en ce qui concerne
          l’éco-humanisme. En effet, si l’Humanité continue à prendre en mains vo-
          lontairement sa propre évolution, et par là sa propre destinée, en interve-
          nant  consciemment  sur  la  matière,  y  compris  vivante,  et  y  compris  la
          sienne, en très peu de temps sur l’échelle évolutive naturelle, cela constitue
          une avancée dans l’inconnu en rupture avec ce que nous savons déjà sur
          l’évolution du vivant, puisque cela implique de réduire autant que possible
          l’importance du hasard pout y substituer une projection évolutive cons-
          ciente et volontaire. Neutraliste ou non, ce processus est tellement impli-
          quant que sa prise en compte est réitérée dans cet ouvrage, et plus large-
          ment dans la réflexion fondamentale de l’éco-humanisme.
             Dans les exposés suivants, nous allons donc continuer à mettre en pers-
          pective l’évolution générale dans notre biome planétaire d’origine, sous ses
          divers aspects connus et complémentaires. Et nous allons rappeler les pro-
          cessus culturels qui en ont permis la compréhension, en mettant en évidence
          les connaissances qui nous  aident à y projeter de mieux en mieux notre
          propre évolution, même au-delà des limites conceptuelles du moment.


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