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Car même si les mécanismes par lesquels opère l’évolution inorganique
          restaient différents de ceux qui animent l’évolution biologique, le devenir
          et le mouvement caractérisaient désormais tout le contexte universel dans
          lequel l’Homme évoluait. L’Univers n’étant pas statique mais dynamique,
          et immense, le mouvement y avait un sens et des effets en conséquence.

             En cherchant à mieux en évaluer les implications pour le vivant, ceci a
          provoqué aussi des controverses entre les théoriciens de la biologie évolu-
          tionniste, pour savoir si ce mouvement était ou non facteur de progrès. Or,
          la notion de progrès est ambigüe en matière d’évolution du vivant. Il y a
          une cause utilitaire naturelle dans le changement, mais le terme de progrès
          a aussi une connotation culturelle qui n’a rien à voir avec les processus qui
          régissent l’évolution des structures et des organes biologiques. Une bacté-
          rie qui se reproduit de manière exponentielle et qui laisse une multitude de
          descendants en quelques heures est-elle moins adaptée et capable de pro-
          grès qu’un couple de mammifères supérieurs avec sa procréation sexuée ?
             L’acception du progrès dans le monde animal est influencée par notre
          culture dominante, inévitablement anthropocentrée, alors que quoi qu’il en
          soit, aucun déterminisme ne guide un progrès : chaque espèce biologique, y
          compris la nôtre, apparait comme une expérience de la nature, où l’évolution
          suit un processus adaptatif, qui comme tel risque parfois l’insuccès, l’impasse.
          Malgré cela, notre rôle dans la nature est devenu plus impactant que celui de
          toute autre espèce connue. Alors, quel rôle l’Homme peut-il avoir dans l’évo-
          lution universelle ? Va-t-il en être un simple spectateur, un metteur en scène,
          un catalyseur ? Il y a des personnes qui se libéreraient de cette question en
          haussant les épaules, ou qui l’éviteraient, en la considérant comme une pré-
          occupation impertinente, ou arrogante, voire un blasphème.

             Or, l’Homme moderne tendant à devenir un être plus rationnel, et proba-
          blement le seul à avoir acquis la conscience d’un processus d’évolution natu-
          relle universel, il peut difficilement éviter de se poser de telles questions. Le
          problème posé induit en quelque sorte le sens de son existence. "L’Homme
          vit-il seulement pour vivre, et n’y a-t-il pas pour lui de but ou de sens autre
          que celui-ci, ou bien est-il appelé à participer à la construction du meilleur des
          univers qui lui soit utile ?" (Theodosius Dobzhansky, 1975, Diversité génétique
          et égalité humaine).  La réponse est que oui, c'est un constructeur proactif.
             Mais des controverses et des errements ont perturbé la société humaine
          à ce sujet. Certains savants, par le passé, et jusqu’à récemment, ont évoqué
          des motifs religieux, et prétexté des théories formulées selon des références
          partisanes et dogmatiques, pour appliquer parfois de lourds préjugés sociaux.


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