Page 91 - eco-savoirs pour tous
P. 91
C’est pourquoi, dans sa première expérience, Kauffman simula dans
un ordinateur une espèce d’automate cellulaire. Il s’agissait d’un système
génétique de cent éléments, dont chacun pouvait se trouver dans deux états
différents. L’état d’un élément à chaque génération successive devait dé-
pendre de celui de deux autres, sur la base de seize règles de l’algèbre de
Boole. L’état de départ de chaque élément était fortuit, tout comme le
choix des règles. Or, dans toutes les simulations, à partir de conditions de
départ différentes, et après dix générations environ (un délai très court) le
système trouvait par lui-même un comportement cohérent et stable.
Ce phénomène a été confirmé par l’analyse d’attracteurs périodiques,
qui mettaient en évidence la tendance auto-cohésive d’un système où de
nombreux éléments étaient en interaction entre eux, tendance sans la-
quelle le système resterait chaotique. Selon Kauffman, des constructions
très complexes, comme le système de régulation génétique d’un orga-
nisme, ne dépendaient pas tant de leur constitution chimique que d’une
propriété commune à tous les réseaux mobilisant un grand nombre d’in-
teractions locales. C’était une propriété d’auto-cohésion, qui intervenait
dans la différenciation cellulaire d’un embryon aussi bien que dans le
fonctionnement du système immunitaire. Et c'était susceptible de fournir
une explication au paradoxe probabiliste de l’origine de la vie.
En effet, les principaux composés qu’on peut trouver dans les êtres
vivants, à savoir les protéines et les acides nucléiques, sont des polymères
(chaînes) de substances simples -respectivement acides aminés et nucléo-
tides- dont on pense qu’ils étaient abondants dans les océans primitifs. Et
les réactions qui les produisent sont catalysées, c’est-à-dire favorisées de
manière neutre, par d'autres substances simples, faciles à simuler.
Effectivement, en simulant un bouillon de culture de l’océan primor-
dial supposé, par des programmes informatiques, où un polymère est
constitué par une chaîne de symboles, on a découvert qu’une association
fortuite des composés de départ donnait rapidement naissance à un sys-
tème de réactions stables, qui pouvaient se répéter.
En d’autres termes, la naissance d’un organisme complexe pourrait
avoir été beaucoup plus probable qu’on ne l’imaginait jusqu’alors.
Comme si la vie voulait naître d’une manière ou d’une autre. Pour con-
firmer cela, Steen Rasmussen, un physicien danois, a essayé de simuler
l’origine de la vie dans un bouillon primordial informatique appelé VE-
NUS (Virtual Evolution in a Nonstochastic Universe Simulator).
Marc CARL Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI 91