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C’est pourquoi, dans sa première expérience, Kauffman simula dans
               un ordinateur une espèce d’automate cellulaire. Il s’agissait d’un système
               génétique de cent éléments, dont chacun pouvait se trouver dans deux états
               différents. L’état d’un élément à chaque génération successive devait dé-
               pendre de celui de deux autres, sur la base de seize règles de l’algèbre de
               Boole. L’état de départ de chaque élément était fortuit, tout comme le
               choix des règles. Or, dans toutes les simulations, à partir de conditions de
               départ différentes, et après dix générations environ (un délai très court) le
               système trouvait par lui-même un comportement cohérent et stable.
                 Ce phénomène a été confirmé par l’analyse d’attracteurs périodiques,
               qui mettaient en évidence la tendance auto-cohésive d’un système où de
               nombreux éléments étaient en interaction entre eux, tendance sans la-
               quelle le système resterait chaotique. Selon Kauffman, des constructions
               très complexes, comme le système de régulation génétique d’un orga-
               nisme, ne dépendaient pas tant de leur constitution chimique que d’une
               propriété commune à tous les réseaux mobilisant un grand nombre d’in-
               teractions locales. C’était une propriété d’auto-cohésion, qui intervenait
               dans la différenciation cellulaire d’un embryon aussi bien que dans le
               fonctionnement du système immunitaire. Et c'était susceptible de fournir
               une explication au paradoxe probabiliste de l’origine de la vie.

                 En effet, les principaux composés qu’on peut trouver dans les êtres
               vivants, à savoir les protéines et les acides nucléiques, sont des polymères
               (chaînes) de substances simples -respectivement acides aminés et nucléo-
               tides- dont on pense qu’ils étaient abondants dans les océans primitifs. Et
               les réactions qui les produisent sont catalysées, c’est-à-dire favorisées de
               manière neutre, par d'autres substances simples, faciles à simuler.

                 Effectivement, en simulant un bouillon de culture de l’océan primor-
               dial supposé, par des programmes informatiques, où un polymère est
               constitué par une chaîne de symboles, on a découvert qu’une association
               fortuite des composés de départ donnait rapidement naissance à un sys-
               tème de réactions stables, qui pouvaient se répéter.
                 En d’autres termes, la naissance d’un organisme complexe pourrait
               avoir  été  beaucoup  plus  probable  qu’on  ne  l’imaginait  jusqu’alors.
               Comme si la vie voulait naître d’une manière ou d’une autre. Pour con-
               firmer cela, Steen Rasmussen, un physicien danois, a essayé de simuler
               l’origine de la vie dans un bouillon primordial informatique appelé VE-
               NUS (Virtual Evolution in a Nonstochastic Universe Simulator).




               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      91
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