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L’un des principaux physiciens du 20 ème siècle, l’américain d’origine
anglaise Freeman Dyson, a essayé de contribuer à la résolution de ce pro-
blème. Il s’est efforcé d'associer dans un modèle théorique unitaire les
deux principales directions de recherche, celle sur l’origine du système
génétique et celle sur l’origine du système métabolique, en contournant
les problèmes que l’une et l’autre posaient alors.
Selon Dyson, la vie pourrait avoir eu une double origine. Il se serait
d’abord formé un système métabolique, fondé sur les protéines, puis un
système génétique, fondé sur l’ARN, s’unissant au système métabolique
dans une relation initialement parasitaire, mais qui se serait transformé
par la suite en une relation d’utilité réciproque. Dyson est parti d’une
analogie illustrée en 1948 par le mathématicien américain d’origine hon-
groise John von Neumann (1903-1957).
Là, un peu comme un ordinateur artificiel, un organisme vivant pouvait
être considéré comme composé de constituants fondamentaux associés. Se-
lon la terminologie utilisée plus tard dans ce domaine (von Neumann est un
pionnier de l’informatique), on pouvait appeler hardware le support maté-
riel, et software la dotation logicielle. L’un traitait l’information que l’autre
contenait. Dans la cellule, le hardware était constitué par les protéines, et le
software était constitué par les acides nucléiques (ADN ou ARN).
Pour que l’organisme se reproduise, l’un et l’autre sont nécessaires,
mais d’un point de vue logique, le hardware précède le software. Un or-
ganisme uniquement constitué de hardware protéique peut continuer à
exister et à conserver son métabolisme tant qu’il trouve de quoi se nour-
rir. Mais un organisme uniquement constitué de software, par contre, est
obligé de devenir un parasite, parce que sans hardware dans lequel il
puisse se répliquer, il est impuissant. Dans ce cas, il peut agir comme un
virus, qui, doté uniquement d’un système génétique, a besoin pour se
répliquer d’une cellule dont il puisse exploiter l’appareil métabolique.
Selon Dyson, les premiers organismes furent donc probablement des
cellules dotées d’un appareil métabolique contrôlé par des enzymes pro-
téiques, et capables de croître et de se diviser comme les coacervats d’Opa-
rin ou les microsphères de Fox. Ces cellules primitives ne se répliquaient
pas nécessairement avec une grande précision, mais elles étaient quand
même protégées du risque d’accumulation catastrophique des erreurs par
le fait que, puisqu’elles étaient privées de système génétique, les éventuelles
erreurs commises dans un cycle de division ne se transmettraient pas à la
division suivante, autrement dit, elles ne pouvaient pas s’accumuler.
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