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Car là, quand un mélange de protéines, de sucres, de lipides et d’acides
               nucléiques était versé dans de l’eau, deux phases se séparaient spontané-
               ment, et l’une d’elles était riche en petites gouttelettes, délimitées par une
               substance comparable à la membrane plasmique d’une cellule. Ces gout-
               telettes, vaguement semblables aux cellules, furent baptisées coacervats
               par Oparin. Dans le cadre d’une série d’expériences, des coacervats con-
               tenant des enzymes parvenaient à assimiler des substances du milieu ex-
               térieur, et à opérer sur elles une série de réactions chimiques.
                 Selon Oparin, la vie aurait donc pu commencer lorsqu’une population
               fortuite de molécules protéiques d’un tel coacervat, séparées du milieu ex-
               térieur par une membrane devenue assez solide, aurait pu s’organiser en
               cycles métaboliques, c’est-à-dire en cycles de réactions chimiques déclen-
               chées par certaines d’entre elles. Il y aurait eu ainsi d’abord la cellule primi-
               tive, puis les enzymes. Les gènes, entités encore vagues à l’époque d’Oparin,
               ne rentraient pas dans son modèle. Mais on avait progressivement proposé
               ensuite d’autres modèles génétisés, qui confortaient sa théorie.
                 De son côté, le biochimiste anglais Sidney W. Fox publiait en 1977 des
               résultats d'expériences sur ce qu’il appelait des microsphères. En posant un
               mélange de deux acides aminés sur du sable de silice réchauffé, Fox parve-
               nait à obtenir des fragments protéiques qui, placés dans l’eau, s’associaient
               en formant des microsphères, dotées de propriétés semblables à celles des
               cellules. Elles étaient délimitées par une membrane semi-perméable, et elles
               étaient dotées de certaines capacités enzymatiques, autrement dit de la ca-
               pacité à déclencher des réactions chimiques d’intérêt biologique, notam-
               ment à produire des sphères plus petites qu’elles expulsaient, et à s’unir à
               d’autres sphères, ou à se diviser. C’était là encore un modèle intéressant
               pour imaginer l’origine des premières structures cellulaires. D’autres cher-
               cheurs évaluaient par ailleurs l’origine possible des premières membranes
               biologiques à la surface de séparation entre l’air et l’eau, où pourraient s’être
               déposées des pellicules de protéines, de lipides, et/ou d’hydrocarbures.
                 D’autres recherches encore ont pris une direction différente. Elles ont
               visé à explorer la possibilité que le matériel génétique primitif, ayant guidé
               la synthèse des protéines, ait été constitué de certains minéraux aux pro-
               priétés particulières. Selon le chimiste anglais Alexander Cairns-Smith,
               qui en émit l’idée en 1966, ce rôle pourrait avoir été rempli par des mi-
               crocristaux contenus dans de l’argile. Dans les réseaux de ce type de cris-
               taux, les atomes métalliques étaient disposés de façon irrégulière, ce qui
               donnait lieu à une distribution potentiellement intéressante des charges
               électromagnétiques à la surface libre du cristal.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      81
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