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Restait toutefois le problème, non négligeable, de ce qu’on appelle la
          chiralité. En effet, chaque molécule d’acide aminé peut exister sous deux
          formes, qui diffèrent non par leur composition, mais par leur configuration
          spatiale, en faisant tourner le plan de la lumière polarisée soit dans le sens
          des aiguilles d’une montre (dextrogyre), soit dans le sens inverse des ai-
          guilles d’une montre (lévogyre). Dans les expériences comme celles de Mil-
          ler, il se forme toujours un mélange d’acides aminés dextrogyres et lévo-
          gyres, tandis que, dans tous les organismes, les protéines sont constituées
          exclusivement d’acides aminés lévogyres.
             Quant aux nucléotides, il était encore plus difficile d’imaginer la façon
          dont ils avaient pu se former. Leurs molécules sont constituées d’une base
          organique, d’un sucre et d’un radical phosphorique, qui composent chimi-
          quement l’ADN. En 1960, alors qu’il travaillait sur un mélange d’ammo-
          niac, d’acide cyanhydrique, et d’eau, le chimiste Joan Oró parvint à obtenir
          de l’adénine et de la guanine, deux des bases organiques des nucléotides,
          mais avec des rendements médiocres. Et les nucléotides obtenus en atta-
          chant à une base un sucre et un radical phosphorique étaient instables dans
          une solution aqueuse. Ce n’est donc pas par hasard que l’ADN des cellules
          se trouvait empaqueté par des protéines spéciales, dans un milieu où les
          molécules d’eau étaient liées par des ions.

             En  suivant  un  autre  raisonnement,  parmi  les  hypothèses  avancées
          pour expliquer l’origine des nucléotides et des acides aminés, il y avait celle
          selon laquelle ces substances auraient pu arriver sur Terre depuis l’espace,
          portées par des comètes ou des météorites. Dans cette hypothèse, elles
          pourraient s’être formées dans des conditions inconnues, mais même à de
          basses températures. La découverte en 1969 de traces d’acides aminés lé-
          vogyres sur une météorite tombée à Murchinson, en Australie, semble
          avoir donné du crédit à cette hypothèse. Mais on n’a pas pu avoir la certi-
          tude que ces acides aminés ne soient pas en fait le résultat d’une contami-
          nation de la météorite après son entrée dans l’atmosphère terrestre.
             Certains  savants,  comme  les  astrophysiciens  Fred  Hoyl,  Chandra
          Wickramasinghe,  et  Francis  Crick  (nobélisé  pour  la  découverte  de  la
          structure de l’ADN), ont pourtant persisté à affirmer que les premières
          formes de vie provenaient, le plus probablement, de l’espace. Ces hypo-
          thèses, qualifiées de panspermie directe, n’ont toutefois pas été confir-
          mées par des résultats expérimentaux, ce qui renvoyait à une entité cos-
          mique incertaine le problème de l’origine de la vie. D’autres théoriciens
          ont donc continué à chercher plutôt une réponse sur Terre.



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