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Mais même en s’appuyant sur ces découvertes convaincantes, le monde
               à ARN soulevait deux problèmes qui n’ont pas eu de bonne réponse, un
               premier problème étant de type chimique, le deuxième de type probabiliste.

                 Le problème chimique était celui de l’origine des nucléotides qui for-
               maient l’ARN. En 1999, personne n’était encore parvenu à proposer un
               processus par lequel des quantités suffisantes de nucléotides auraient pu se
               former dans l’atmosphère ou dans les océans primitifs, sous une forme chi-
               mique utile. Certains chercheurs ont donc continué à évaluer l'hypothèse de
               précurseurs chimiques plus simples, pour le système génétique primordial,
               dont la synthèse pourrait avoir été moins problématique. Il pourrait ainsi
               avoir existé d’abord un acide nucléique plus simple, quoique moins précis,
               dont les fonctions auraient été par la suite assurées par l’ARN.
                 Le deuxième problème avait été soulevé en 1981 par Ursula Niesert,
               une chercheuse allemande. Il concerne la possibilité (ou non) que, après
               la formation de molécules d’ARN en mesure de se répliquer et d’évoluer,
               en luttant entre elles et en collaborant avec des molécules protéiques, ces
               dernières puissent avoir  été  assez stables  pour durer.  Les  modèles  de
               monde à ARN, comme celui proposé par Eigen, présupposent en effet
               que la réplication des molécules d’ARN porteuses de l’information géné-
               tique fonctionne de façon sécure et pérenne.

                 Mais si, au cours de la réplication, il se produit des erreurs, c’est-à-dire
               si certains nucléotides sont remplacés par des nucléotides différents, ces
               erreurs peuvent s’accumuler progressivement de génération en généra-
               tion, désorganisant finalement tout le système. Il se produit alors ce qu’on
               appelle une catastrophe des erreurs. Le taux d’erreur maximum accep-
               table, calculé par Niesert grâce à une série de simulations sur ordinateur,
               s’est trouvé être très bas, plus ou moins égal à celui que l’on observe dans
               les systèmes génétiques actuels, beaucoup plus perfectionnés que les sys-
               tèmes primitifs, et dotés en outre de mécanismes biochimiques de con-
               trôle  et  de  réparation  des  éventuelles  erreurs  de  copie (réparation  de
               l’ADN endommagé).
                 Les  simulations  ont  montré  trois  catastrophes  possibles  dans  un
               monde à ARN. La plus probable est ce que l’on appelle l’ARN égoïste,
               c’est-à-dire la possibilité que, à la suite d’une série de mutations, une mo-
               lécule d’ARN apprenne à se répliquer elle-même plus rapidement que les
               molécules avec lesquelles elle est en compétition, mais oublie sa fonction
               enzymatique, devenant ainsi un véritable parasite qui tôt ou tard bloque
               le système entier.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      85
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