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Le Gulf Stream, que Maury considérait comme un fleuve dans la mer,
se révéla alors très différent du fleuve placide d’eaux tropicales que les océa-
nographes du 19 siècle imaginaient. Il se déplaçait, en changeant de par-
ème
cours d’une semaine à l’autre, et en créant des méandres et des tourbillons,
qui se détachaient du courant principal des deux côtés. Des tourbillons
froids isolés, appelés anneaux, se détachaient au sud, tandis que des tourbil-
lons chauds se manifestaient au nord. Le système du Gulf Stream, dans sa
complexité, se modifiait trop rapidement pour être modélisé par des expé-
ditions océanographiques sans un équipement ad-hoc, et seul l’usage du BT
pouvait rendre possible de tels relevés exploitables scientifiquement.
Avec leurs nouvelles corrections d'emploi, la disponibilité de sonars plus
précis et fiables fournit un avantage aux anglo-américains dans la guerre de
l’Atlantique (1941-1945). D’autres découvertes importantes furent réalisées
aussi durant cette période grâce à l’application du sonar, telle que la détection
du deep scattering layer, (ou couche diffusante profonde), une couche plus
ou moins bien définie mais présente dans la plupart des eaux océaniques,
produite par l’activité de populations stratifiées d’organismes marins. Par la
suite, l’application des techniques électroacoustiques des sonars a permis
d’analyser de plus en plus précisément la morphologie et la nature des fonds.
Marie Tharp, qui retraça une carte des fonds océaniques grâce à cela, contri-
bua d'autant mieux à la formulation de la théorie de la dérive des continents.
Après la seconde Guerre Mondiale, des sondes océanologiques de plus
en plus perfectionnées permirent de mesurer avec précision la tempéra-
ture, la salinité, la teneur en oxygène, et d’autres paramètres, relevés à dif-
férentes profondeurs, ces informations étant récupérées en surface au
moyen de systèmes d’enregistrement électroniques. Dès la fin de ce conflit,
une océanographie moderne était donc en plein développement.
Harald Sverdrup et Walter Munk à Scripps, et Henry Stommel à Woods
Hole, entreprirent notamment de formuler une théorie améliorée du Gulf
Stream et de son système de contre-courants, incluant ses méandres et tour-
billons. Mais ils furent temporairement gênés par un phénomène d’intensi-
fication du courant à proximité de la côte américaine, connu sous le nom
d’intensification occidentale. Ce phénomène de renforcement des courants
le long des côtes est des continents, observable également dans le courant
pacifique Kuroshio, le long des côtes du Japon, fut expliqué par Stommel
en 1948, lorsqu'il démontra que l’intensification était une conséquence de
la variation latitudinale de la force de Coriolis. Cette force était supposée
avoir la même intensité partout en raison de la sphéricité de la Terre, mais
elle augmentait pourtant au fur et à mesure qu’on s’approchait des pôles.
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