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Même si John Elliot Pillsbury avait conçu un instrument pour mesurer
les courants, on pratiquait encore plutôt des mesures indirectes des flux selon
leurs effets. Et parce que certaines indications de température impliquaient
l’existence de courants précis et importants, en 1845, le physicien allemand
E.H. Lenc (1804-1865) exposa un premier schéma de circulation océanique
qui caractérisaient mieux ces courants, influencés par la rotation terrestre.
Dans sa présentation, les cellules de circulation étaient symétriques. Et
ce modèle intéressa aussitôt Maury et Ferrel, malgré le fait que les mesures
prises par les expéditions, comme celles du Challenger, indiquaient que les
températures relevées en profondeur n’étaient pas symétriques par rapport
à l’équateur. Les courants océaniques suscitèrent encore plus d'intérêt
quand le zoologue Georg Sars, chargé d’étudier les migrations de la morue,
découvrit que contrairement à ce que l’on pensait jusqu’alors, les œufs
étaient complètement à la merci des courants. Une connaissance exacte des
courants, jusqu'aux plus profonds, était donc utile pour pouvoir compren-
dre aussi les mouvements migratoires des poissons, en vue de leur pêche.
Les chercheurs scandinaves utilisaient déjà des techniques de calcul des
courants fondées sur une méthode dynamique créée par Walfrid Ekman.
Mais cette méthode restait peu utilisée, car même si elle était sophistiquée,
on ne disposait pas initialement de preuves assez solides de son exactitude.
En 1924, un océanographe allemand, Georg Wüst, utilisa pourtant cette
méthode pour calculer des courants à différents niveaux de profondeur
dans le détroit de Floride, et il démontra qu’ils étaient conformes aux me-
sures directes des courant effectuées par Pillsbury vers 1880. La méthode
dynamique fut alors utilisée par la Patrouille internationale des icebergs,
formée dans les années 1920, qui vérifia en effet que le calcul des courants
selon cette méthode s’appliquait bien à la dérive des icebergs, validant d’au-
tant mieux cette méthode.
Une autre confirmation de la méthode dynamique d’Ekman eut lieu
lors de la croisière du Meteor en 1925, qui avait comme objectif l’explora-
tion du système des courants dans l’ensemble océanique. La croisière était
initialement prévue dans l’océan Pacifique, mais pour alléger les coûts de
carburant (fioul), les organisateurs avaient décidé de convertir le Meteor au
charbon, et de se limiter d’abord à l’Atlantique, plus proche. Le voyage du
Meteor fut la première exploration systématique d’un grand bassin océa-
nique. On décida des relever des profils à intervalles réguliers entre 20° de
latitude nord et 55° de latitude sud. Chaque profil comportait de nom-
breuses mesures de température et de salinité, depuis la surface jusqu’au
fond de l’océan, trois ou quatre kilomètres en dessous.
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