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Chaque projet nécessitait une campagne de prospection le long d’une
               route repérée, où peu à peu une grande quantité de données fut recueillie.
               Les profils bathymétriques tracés pour la pose des câbles marquèrent le
               début d’une époque pionnière d’exploration et de cartographie des fonds
               marins, qui par la suite devait déboucher sur de multiples découvertes
               géologiques et biologiques dans le vaste Monde du Silence.
                 En Angleterre, l’océanographie se développa grâce à une série d’inci-
               tations différentes, tenant compte notamment des besoins de la biologie.
               Des descriptions sommaires, relatives aux organismes marins animaux et
               végétaux avaient déjà été faites au cours des 16  et 17  siècles, puis des
                                                     ème
                                                            ème
               expéditions destinées à mieux approfondir la connaissance des caractéris-
               tiques physiques et biologiques du milieu marin avaient été organisées de-
               puis le milieu du 19 ème  siècle. C’était le cas pour la croisière du Beagle
               (1831-1836), de laquelle Darwin rapporta les bases de sa théorie de l’évo-
               lution. Et de 1868 à 1870, les campagnes britanniques du Lightning et du
               Porcupine rapportèrent la preuve de la présence d’une grande variété d’in-
               vertébrés jusqu’à 4.450 m de profondeur.
                 Mais la plus importante de ces croisières fut celle du Challenger (1872-
               1876), doté de deux laboratoires de recherche, biologique et chimique, spé-
               cialement équipés pour l’étude océanographique. Quand le Challenger ap-
               pareilla, quatre jours avant Noël 1872, le personnel scientifique de l’expé-
               dition, dirigé par Wyville Thomson, avait pour objectif de vérifier diverses
               caractéristiques de l’océan profond, mais en ce jour de décembre, personne
               n’avait complètement conscience des implications d’une telle campagne.

                 La première opération eut lieu dans le bassin océanique des Canaries,
               où un instrument de dragage fut descendu à une profondeur jamais at-
               teinte auparavant. L’attente dura pendant toute la journée, dans la crainte
               continuelle d’une rupture du câble ou du moteur du treuil, mais la drague
               ruisselante  d’eau  fut  enfin  remontée  sur  le  pont,  sous  la  lumière  des
               lampes, et son chargement d’environ 100 kg d’argile roussâtre se déversa
               sur le pont.
                 Si le fond des océans avait été la surface d’une autre planète, le Chal-
               lenger aurait pu être l’équivalent d'une aire de retour d'un équipage d'astro-
               nautes. L’argile rouge fut analysée de la même façon attentive que pour des
               météorites, mais ce jour-là un examen attentif et approfondi ne révéla pas
               de traces d’organismes vivants. Ce fut une déception pour les chercheurs
               qui  s’attendaient à mieux  avec  ce premier  échantillon  recueilli dans les
               sombres et profonds abîmes sous-marins.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      53
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