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L’énigme de l’effet d’après-midi fut résolue lorsque les opérateurs de
               l'US Navy se décidèrent à demander l’aide des océanographes de Woods
               Hole, un important centre de recherches océanographiques de la côte
               atlantique des États-Unis, dirigé à l’époque par Henry Bigelow.
                 Lors d’une série de croisières conjointes effectuées par le navire de
               recherche de Woods Hole et des navires de la Navy, on découvrit que
               l’effet d’après-midi était dû à la structure thermique de l’océan, et que les
               propriétés de propagation du son dans l’eau dépendaient de sa tempéra-
               ture.  De  la  même  façon  qu’un  prisme  déviait  les  diverses  longueurs
               d’onde de la lumière, créant les couleurs de l’arc-en-ciel, les couches d’eau
               à des températures différentes faisaient office de prisme déviant les fais-
               ceaux d'ondes sonore.
                  Le sonar émettait des impulsions sonores très courtes (pings) réflé-
               chies par les objets immergés, et à partir de l’intervalle entre l’émission et
               la réception, il était possible de calculer la distance, la vitesse et la direction
               de  l’objet  analysé.  Mais  si,  entre  le  sonar  et  l’objet,  s’interposaient  des
               couches d’eau qui perturbaient le parcours du faisceau, le déviant et l’em-
               pêchant d’atteindre en retour le sonar, le système n’était plus assez fiable.
                 Au cours de la journée, la structure thermique de l’océan superficiel se
               modifiait, si bien que le sonar était inutilisable sans des corrections ad-hoc,
               qui ne pouvaient être apportées qu’en connaissant la structure thermique
               de l’eau. D’où l’importance de bien connaitre la répartition verticale de la
               température. À l’époque, on savait seulement que dans les océans tempérés
               et tropicaux, il existait une couche superficielle à température uniforme,
               sous laquelle se trouvait une couche en diminution rapide de température,
               la thermocline. Puis, sous la thermocline, se trouvait l’étendue des eaux
               abyssales, où la température changeait peu.

                 Ces connaissances se fondaient cependant sur une quantité insuffi-
               sante de mesures existantes. Et pour augmenter cette quantité, il fallait
               trouver un moyen de relèvement de la température qui soit rapide, fiable,
               et praticable depuis un navire en route. Une réponse consista en la mise
               au point du bathythermographe (BT), un nouvel instrument qui mesurait
               la température en profondeur, et qui la transmettait au moyen d’un câble
               jusqu’au vaisseau enregistreur, où elle était transcrite graphiquement sur
               un rouleau de papier. Durant la seconde guerre mondiale, les navires
               ayant été dotés de BT ont pu recueillir environ 60.000 profils de tempé-
               rature dans l’océan Atlantique. La disponibilité de cette masse de don-
               nées métamorphosa l’océanographie traditionnelle.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      57
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