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Et il ajoutait qu’une intelligence qui, à un moment donné, connaîtrait
toutes les forces qui animent la nature, et la situation respective des êtres
qui la composent, si elle était assez élevée pour soumettre toutes ces don-
nées à l’analyse (c’est-à-dire à l’analyse mathématique), renfermerait dans
la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et
ceux de l’atome le plus léger : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir
comme le passé serait présent à ses yeux.
Des découvertes ultérieures allaient infirmer ce point de vue réducteur,
mais jusqu’à ces découvertes, le principe du déterminisme a longtemps été
considéré comme inné, parce qu’il conférait un sens psychologiquement
confortable à la réflexion scientifique et technique. Ce sens résultait no-
tamment du présupposé que les mêmes causes produisaient toujours les
mêmes effets, et que l’effet ne pouvait pas précéder la cause. Et pour cela,
la science devait procéder d'une connaissance rationnelle qui démontrait
les connexions réelles entre les causes et les effets, sans avoir recours à des
éléments non déterministes dans ses explications. Cette idée avait accom-
pagné le développement de la mécanique classique, jusqu’à parvenir à cette
formulation qu’en donna Laplace à la fin du 18 siècle.
ème
Plus encore, la démonstration du théorème d’existence et d’unicité des
solutions d’une équation différentielle ordinaire, validée grâce au travail de
plusieurs savants du 19 siècle, avait renforcé ce principe, menant à ce
ème
qu’on peut appeler un déterminisme mathématique. Selon ce concept,
puisque dès qu’on connaissait les conditions initiales d’un système d’équa-
tions différentielles ordinaires, il existait une et une seule solution aux cal-
culs, le passé et le futur étaient calculables à partir du présent, et la formu-
lation des solutions, même les plus difficiles, était théoriquement possible
à condition de posséder une capacité de calcul suffisante (en fait, pratique-
ment illimitée). Ce principe du déterminisme niait donc arbitrairement la
possibilité que le hasard (ou l’aléatoire chaotique) puisse constituer une
cause explicable et mesurable d’un phénomène. Dans cet esprit, lorsqu’il
semblait que quelque chose avait lieu par hasard, c’était présumé dû en tout
ou partie à l’imperfection des sens et de l’intellect humains.
Mais il y eut une brèche dans cet édifice intellectuel lorsque, là où il
n’était plus possible d’appliquer l’analyse mathématique, selon Laplace,
on avait pu tout de même appliquer des techniques efficaces de calcul
des probabilités. Pensons, par exemple, à l’étude du comportement des
gaz. Dans une substance à l’état gazeux, il y avait une abondance de mo-
lécules qui se heurtaient entre elles continuellement, et qui rebondissaient
dans toutes les directions.
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