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On pouvait considérer a-priori que leurs trajectoires étaient stricte-
ment déterminées par les lois du mouvement. Mais dans l’impossibilité
d’étudier un trop grand nombre de trajectoires individuelles, c’est-à-dire
dans l’impossibilité de tirer des conclusions et de faire des prédictions
par les méthodes d’analyse mathématique, on avait dû faute de mieux
utiliser un calcul statistique tendanciel de l’ensemble des trajectoires.
Cette possibilité donna naissance, à la fin du 19 ème siècle, à un nouveau
secteur de la physique, la mécanique statistique, qui se distinguait des mé-
thodes classiques de la physique mathématique, même si elle ne mettait
pas encore en cause les convictions fondamentales de type déterministe.
Et outre la physique mathématique, certains savants, voulant trouver
vite des confirmations de la théorie de l’évolution grâce à des observations
et à des expériences biologiques, avaient employé eux-aussi faute de mieux
des méthodes statistiques. Ces méthodes étaient supposées convenir
même à l’étude des phénomènes biologiques et sociaux, qui de par leur
nature pouvaient échapper au déterminisme. Ce qui constitua un point de
départ des études de biométrie, et un soutien de plus pour l’outil statistique.
Mais le déterminisme tenait encore bon. Quelques chercheurs travaillaient
notamment à insérer des équations différentielles dans l’analyse économique,
et en particulier dans l’étude du fonctionnement du marché libre occidental.
Ce qui allait contribuer à justifier des pratiques socialement et économique-
ment pernicieuses. Au début du 20 siècle, on tenta aussi d’appliquer des
ème
équations différentielles à des phénomènes de type biologique aussi divers
que la diffusion des épidémies, la lutte pour la vie dans la nature, ou le rythme
cardiaque. À l’appui de cela, quelques savants déclaraient que le comporte-
ment des êtres vivants, qui avaient eu -depuis les formes de vie les plus élé-
mentaires- un certain degré de comportement déterminé, c’est-à-dire une vo-
lonté visant un but, ne pouvait pas être décrit en termes de hasard aveugle.
À cause de toutes ces réticences, on ne reconnut pas facilement au cal-
cul des probabilités un statut de science exacte, au même titre que d’autres
branches des mathématiques, car même dans le domaine des jeux de ha-
sard, qui lui semblait pourtant adapté, il passait pour n’être qu’une béquille
de l’ignorance scientifique. Le mathématicien français Henri Poincaré, par
exemple, parlant du jeu de la roulette (un raisonnement analogue serait va-
lable pour le lancer d’une pièce de monnaie), faisait remarquer que le mou-
vement y suivait les lois, prévisibles, de la mécanique. Et ceci perdura
jusqu’à la crise que connut la science classique dans les premières décennies
du 20 siècle, consécutive surtout à l’avènement de la théorie de la relati-
ème
vité et de la mécanique quantique.
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