Page 386 - eco-savoirs pour tous
P. 386

Cela impliquait à la fois une généralisation et une rationalisation de la
          mécanique classique. Pour expliquer un phénomène physique, il fallait trou-
          ver la loi mathématique de son comportement, et cette loi dépendait de la
          connaissance des forces mécaniques appliquées entre les corps concernés.
          En suivant cette voie, la physique française de l’époque a pu être considérée
          comme la promotrice de la physique des fluides impondérables. Les physi-
          ciens français résolvaient le dualisme newtonien entre matière et force en
          imaginant l’existence de différents types de matière qui, tout en étant dis-
          tincts de la matière pondérable -c’est-à-dire de la matière qui formait la masse
          constatable d’une substance- se combinaient et se liaient avec la matière, et
          étaient responsables de différents phénomènes physico-chimiques non ex-
          clusivement mécaniques. Ainsi, on imaginait un fluide électrique, un fluide
          magnétique, un fluide calorique, un fluide lumineux, responsables respecti-
          vement des phénomènes électriques, magnétiques, thermiques et optiques.

             Les forces par lesquelles les particules de ces fluides interagissaient entre
          elles et avec les molécules de matière pondérable étaient descriptibles par des
          expressions mathématiques, grâce auxquelles on pouvait théoriquement pré-
          voir des lois mathématiques d’évolution de ces phénomènes.

             Le principal chef de file de cette école de pensée fut Pierre-Simon de
          Laplace (1749-1827), à qui l’on doit l’énonciation claire d’un idéal de con-
          naissance, appliqué par les physiciens mathématiciens français dès l’époque
          napoléonienne. Dans son testament spirituel, écrit en 1814, Laplace affir-
          mait : "nous devons envisager l’état présent de l’Univers comme l’effet de
          son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence
          qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est
          animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle
          était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans
          la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et
          ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir,
          comme le passé seraient présents à ses yeux".
              Dans une réalité plus prosaïque, l’esprit humain, malgré la qualité des
          découvertes de l’époque, n’avait pas encore atteint une telle intelligence
          et  un  tel savoir.  Mais  les  découvertes  en mécanique  et  en  géométrie,
          jointes à la découverte de la pesanteur universelle, aidaient déjà à traiter
          dans les mêmes formes analytiques certains états passés et futurs. Et dans
          ce sens, outre le fait que les affirmations de Laplace s’appuyaient sur les
          progrès de l’astronomie du 18 ème  siècle, la théorie de Newton permettait
          elle aussi des prévisions mathématiques utiles.



          386                                        Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr        © LEAI        Marc CARL
   381   382   383   384   385   386   387   388   389   390   391