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Cela impliquait à la fois une généralisation et une rationalisation de la
mécanique classique. Pour expliquer un phénomène physique, il fallait trou-
ver la loi mathématique de son comportement, et cette loi dépendait de la
connaissance des forces mécaniques appliquées entre les corps concernés.
En suivant cette voie, la physique française de l’époque a pu être considérée
comme la promotrice de la physique des fluides impondérables. Les physi-
ciens français résolvaient le dualisme newtonien entre matière et force en
imaginant l’existence de différents types de matière qui, tout en étant dis-
tincts de la matière pondérable -c’est-à-dire de la matière qui formait la masse
constatable d’une substance- se combinaient et se liaient avec la matière, et
étaient responsables de différents phénomènes physico-chimiques non ex-
clusivement mécaniques. Ainsi, on imaginait un fluide électrique, un fluide
magnétique, un fluide calorique, un fluide lumineux, responsables respecti-
vement des phénomènes électriques, magnétiques, thermiques et optiques.
Les forces par lesquelles les particules de ces fluides interagissaient entre
elles et avec les molécules de matière pondérable étaient descriptibles par des
expressions mathématiques, grâce auxquelles on pouvait théoriquement pré-
voir des lois mathématiques d’évolution de ces phénomènes.
Le principal chef de file de cette école de pensée fut Pierre-Simon de
Laplace (1749-1827), à qui l’on doit l’énonciation claire d’un idéal de con-
naissance, appliqué par les physiciens mathématiciens français dès l’époque
napoléonienne. Dans son testament spirituel, écrit en 1814, Laplace affir-
mait : "nous devons envisager l’état présent de l’Univers comme l’effet de
son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence
qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est
animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle
était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans
la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et
ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir,
comme le passé seraient présents à ses yeux".
Dans une réalité plus prosaïque, l’esprit humain, malgré la qualité des
découvertes de l’époque, n’avait pas encore atteint une telle intelligence
et un tel savoir. Mais les découvertes en mécanique et en géométrie,
jointes à la découverte de la pesanteur universelle, aidaient déjà à traiter
dans les mêmes formes analytiques certains états passés et futurs. Et dans
ce sens, outre le fait que les affirmations de Laplace s’appuyaient sur les
progrès de l’astronomie du 18 ème siècle, la théorie de Newton permettait
elle aussi des prévisions mathématiques utiles.
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