Page 390 - eco-savoirs pour tous
P. 390
Mais dans la mesure où ils n’avaient pas, en mathématiques, de savoir
suffisant pour formuler des théories à la fois sophistiquées et innovantes,
ils se bornaient à des comptes-rendus de travaux effectués en laboratoire,
souvent sans perspective théorique très claire.
Les nouveaux physiciens théoriciens, au contraire, étaient des chercheurs
dotés d’une formation mathématique plus approfondie, qui pensaient que
les mathématiques étaient un instrument capable d’ouvrir de nouvelles voies,
potentiellement utilisable avec audace. Ils étaient convaincus que, pour faire
face à la croissance des connaissances expérimentales, il fallait imaginer de
nouveaux objets physiques théoriques et de nouvelles formes d’interactions.
Pour ce faire, ils construisirent donc des théories et des modèles, parfois
sans trop se préoccuper de rigueur (quand ils ne prétendaient même pas
être logiquement cohérents), ni d'un caractère complet, et encore moins du
fait qu’ils soient en parfait accord avec toutes les données expérimentales.
Ils proposaient des conjectures audacieuses, pour ouvrir de nouvelles voies
d’exploration et de nouveaux points de vue, qui supportaient difficilement
les limitations méthodologiques et métaphysiques.
Dans ce contexte, une contestation de la physique des fluides impon-
dérables, et de l’action à distance entre les hypothétiques particules qui
les constituaient, vint mettre en cause les théories de la consistance de la
lumière. L’hypothèse de la nature ondulatoire de la lumière avait été in-
troduite à la fin du 17 ème siècle, mais l’autorité de Newton tout d’abord,
puis de Laplace, avaient imposé l’idée que la lumière était composée de
particules qui se mouvaient en ligne droite. Pour aller plus loin, Thomas
Young (1773-1829) avait commencé en 1802 à étudier les phénomènes
d’interférence produits par le passage de la lumière provenant d’une seule
source à travers deux orifices très petits et très proches l’un de l’autre.
Puis en 1816 Augustin Fresnel (1788-1827) et François Arago (1786-
1853) avaient effectué des expériences d’interférence et de diffraction de
lumière, qui vinrent corroborer la théorie ondulatoire. Jusqu’alors les ré-
ticences à cette théorie étaient liées au fait qu’on pensait que les ondes
lumineuses étaient analogues aux ondes acoustiques, c’est-à-dire qu’elles
étaient caractérisées par des vibrations longitudinales (qui se produisaient
dans la direction de la propagation de la lumière). Mais Fresnel imaginait
qu’il pouvait s’agir de vibrations transversales (c’est-à-dire qui se produi-
saient dans une direction perpendiculaire à celle de propagation), ce qui
pouvait donner aussi une nouvelle interprétation des phénomènes de po-
larisation optique.
390 Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI Marc CARL