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La probabilité d’un événement donné était alors une fraction, dont le nu-
          mérateur représentait le nombre de cas favorables à l’événement, et dont le
          dénominateur représentait le nombre des cas également possibles. On pou-
          vait se demander : qu’entend-on par cas également possibles ? Selon Laplace,
          il s’agissait des cas où il était impossible de décider si l’un ou l’autre d’entre
          eux se produirait. Cette définition pouvait être convaincante du point de vue
          du bon sens, mais elle n’était pas irréprochable du point de vue de la logique
          mathématique. Ce n’est donc qu’avec beaucoup de réticences que les com-
          pagnies d’assurances se décidèrent à appliquer ces probabilités théoriques et
          à utiliser, dans leurs activités, notamment dans les tableaux de mortalité. Mal-
          gré cela, au cours du 19  siècle, naquit une profession spécifique, l’actuariat,
                             ème
          ainsi qu'une nouvelle branche mathématique, la statistique, où la base ma-
          thématique théorique comportait un calcul des probabilités.
             Mais parmi les mathématiciens, le sens et la définition mathématique
          des probabilités alimentaient des discussions animées. Nombre d’entre
          eux, comme d’Alembert, se méfiaient de cette nouvelle branche. Ils con-
          sidéraient ses concepts comme douteux, et ses méthodes comme moins
          rigoureuses que celles de la géométrie et de la physique mathématique.
          Pour eux, le développement de la physique mathématique découlait de la
          capacité des esprits humains à connaître la structure et les lois de l’Uni-
          vers, de façon telle que chaque phénomène puisse être ramené rationnel-
          lement à une cause, et qu’il soit possible de faire des prévisions exactes.
          Les probabilités ne leur semblaient pas convenir à une telle approche
          scientifique et mathématique rigoureuse. Laplace considérait que les phé-
          nomènes aléatoires ne l’étaient qu’en apparence, tant que leur complexité
          relative empêchait une explication causale exacte. L’études des probabi-
          lités pouvait par conséquent être considérée, voire acceptée, comme une
          aide complémentaire, mais seulement en attendant de pouvoir suffisam-
          ment approfondir la compréhension des phénomènes concernés, et de
          pouvoir leur appliquer une analyse mathématique plus exacte.
             Une tendance naturelle à l’innovation persistait malgré tout, et au siècle
          des lumières, sous l’influence de l’œuvre de Newton, et dans l’idée qu’il
          était possible et même souhaitable d’appliquer les mathématiques à tous
          les secteurs des connaissances humaines, pour les élever au degré de per-
          fection de la mécanique, se développa une réflexion sur l’équilibre, dont
          un exemple classique était fourni par l’équilibre du levier dans la statique.
             Cette conception, qui fut étendue aussi à l’économie, y devint même
          la base d'une théorie dite de l’équilibre économique, qui permit l’introduc-
          tion de méthodes de calcul infinitésimal là aussi.


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