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Mais cette tendance à l’abstraction, confirmée par le déplacement de
               l’intérêt des mathématiciens vers une manipulation de plus en plus formelle
               des symboles algébriques, tendait aussi à faire oublier qu’ils représentaient
               à l’origine des nombres et des opérations significatifs et utilement concrets.
               On continua néanmoins à décrire virtuellement des structures de groupe,
               d’anneau, de corps ou d’espace vectoriel, ce qui deviendra d’ailleurs l’objet
               principal d’étude de l’algèbre à partir de la fin du 19 ème  siècle.
                 Une autre occupation, plus utilitaire, était de dévoiler les mystères des
               jeux de hasard, qui semblaient réfractaires aux calculs mathématiques, et qui
               avaient constitué longtemps un défi pour de nombreux mathématiciens.
               Réussir à dominer d’une façon ou d’une autre l’imprévu et le hasard pouvait
               apporter de substantiels avantages économiques et stratégiques. Et ceci non
               seulement pour ceux qui jouaient et qui gagnaient aux cartes ou aux dés,
               mais aussi pour ceux qui géraient des compagnies d’assurances, et qui fai-
               saient du risque le fondement de leurs affaires.

                 Des assurances maritimes s’étaient développées dans le réseau commer-
               cial européen, suivies par des assurances sur la vie, et le besoin prévisionnel
               touchait aussi la gestion de l’épargne, visant à obtenir une rente future. Dès
               le 17  siècle, des mathématiciens avaient tenté de résoudre et de maîtriser
                   ème
               les problèmes inhérents à ce domaine économique, en y quantifiant les
               probabilités, afin d'y rendre les activités plus prévisibles et réglementables.

                 D’autres questions subsistaient en outre dans le domaine de la théorie
               des jeux, liées aux objectifs de gains. Par exemple, en combien de coups
               pouvait-on espérer obtenir un double six avec deux dés ? Pour toutes ces
               raisons, des mathématiciens comme Blaise Pascal (1623-1662), Pierre Fer-
               mat  (1601-1665),  Christiaan  Huygens  (1629-1695),  Gottfried  Leibniz
               (1646-1716), Jacques et Daniel Bernoulli, Abraham de Moivre (1667-1754)
               et Pierre-Simon de Laplace (1749-1827) apportèrent chacun une contribu-
               tion intéressante au développement du calcul des probabilités.
                 On doit notamment à Jacques Bernoulli (1655-1705) la loi des grands
               nombres, selon laquelle, étant donné un événement ayant une probabilité
               donnée (comme par exemple la sortie d’un six dans un jeu de dés, ce dont
               la probabilité est de 1/6), plus le nombre de tentatives est grand (dans
               notre exemple, plus de fois on lance un dé), plus l’écart entre le nombre
               de fois où l’événement se vérifie effectivement et le nombre prévu théo-
               riquement par la probabilité est petit. Laplace proposa une définition qui
               contribuait elle aussi à clarifier la notion de probabilité, en spécifiant que
               pour  étudier un phénomène, il  fallait  réduire  tous  les  événements  du
               même type au nombre de cas également possibles.

               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      345
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