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Elles induisaient l’idée audacieuse qu’il était possible de construire une
théorie géométrique niant le cinquième postulat d’Euclide. Car après des
siècles de tentatives pour remplacer ce postulat par un autre plus simple, ou
pour le déduire des autres, certains mathématiciens s'étaient rendu compte
qu’il était indispensable à l’édifice créé par Euclide, mais qu’en le modifiant
il était possible de construire d’autres géométries, apparemment étranges,
où les mesures étaient différentes de la géométrie euclidienne. Par exemple,
les angles d’un triangle n’y avaient pas comme somme 180 degrés, et il exis-
tait plusieurs parallèles à une droite donnée passant par un point.
Un officier hongrois féru de mathématiques, Janos Bolyai (1802-1860),
et un professeur russe de l’université de Kazan, Nikolaï Ivanovitch Lobat-
chevski (1792-1856), furent les premiers, en 1825, à exposer publiquement
la possibilité de telles géométries.
Gauss l’avait compris lui aussi, et il avait même essayé de trouver
quelle était la géométrie la mieux adaptée à la description de cette nou-
velle réalité concevable, au cours de ses travaux de topographie et de
géodésie, pour mesurer notamment le triangle formé par trois cimes de
montagnes. Pourtant, même s’il participa aux travaux de ses confrères, il
préféra longtemps ne pas exprimer clairement son point de vue sur ce
thème pour ne pas avoir à supporter de critiques pénibles. La pertinence
des géométries non euclidiennes ne fut donc acceptée, et avec de nom-
breuses réticences, que vers la fin du 19 ème siècle.
Ces nouvelles conceptions furent toutefois analysées avec plus d’atten-
tion par Riemann, lequel reconsidéra de façon innovante l’étude de la géo-
métrie et ses liens avec le monde physique. Dans cette démarche, il consi-
dérait les espaces de dimensions quelconques (même supérieures à 3)
comme des entités abstraites formées de points représentables mathéma-
tiquement par n coordonnées x1,..., xn. À l’aide de cette méthode, il pou-
vait définir une nouvelle mesure de la distance entre deux points.
Le sens commun indiquait que, étant donné deux points, situant par
exemple deux villes d’un pays, on pouvait mesurer sur un plan leur distance
à vol d’oiseau (en imaginant une route droite sans montagnes ou fleuves
provoquant des déviations). Mais on pouvait appliquer un degré plus grand
encore d’abstraction, si l’on pouvait choisir conventionnellement quelle
était la mesure entre les deux points. Ces espaces devenaient alors un objet
d’étude en soi, et non plus un simple contexte des figures ; on n’étudiait
plus les figures, mais leur structure abstraite. Par exemple, une sphère pou-
vait être imaginée comme un espace courbe à deux dimensions.
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