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En 1792, Benjamin Richter publia à Breslau le premier volume de ses
          Fondements de la Stœchiométrie, qui répondaient à ces questions. Richter don-
          nait le nom de stœchiométrie (du grec mesurer) à ce qui ne pouvait pas
          fonctionner sans proportion définie, greffant ainsi une nouvelle branche à
          la chimie. Il pensait, en effet, pouvoir mesurer l’affinité en déterminant la
          quantité d’acide nécessaire à la neutralisation d’une quantité donnée de
          base, et il rassemblait les résultats obtenus dans un tableau de neutralisa-
          tion, qui fut en fait le premier tableau des équivalents. En étudiant la double
          décomposition de sels neutres, il parvint même à définir une loi des pro-
          portions définies : dans un composé, la proportion des éléments qui le
          composaient était toujours constante.
             Mais à Paris, au début du 19 ème  siècle, Claude-Louis Berthollet (1748-
          1822), contesta l’usage de ces tableaux, et il souligna que l’affinité n’était
          pas une force absolue. En effet, le résultat d’une réaction chimique n’était
          pas défini uniquement par la nature des substances qui réagissaient, mais
          aussi par leurs quantités relatives. Berthollet anticipait de plus d’un demi-
          siècle l’énoncé de la loi d’action de masse, mais il était trop en avance sur
          son époque, et cela le portait à commettre une erreur : celle de considérer
          l’affinité comme une force générale, qui ne serait pas seule à intervenir
          dans les réactions chimiques, mais qui serait en mesure d’intervenir dans
          n’importe quel type d’interaction entre des substances.
             En d’autres termes, un composé qui se dissolvait dans un autre pour
          former une solution, et deux composés qui réagissaient, étaient pour Ber-
          thollet des expressions de l’intervention d’une même force. Si bien que la
          loi  des  proportions  définies,  énoncée  par  Joseph-Louis  Proust  (1754-
          1826), n’était alors qu’un cas particulier de cette loi plus générale de l’affi-
          nité. Berthollet croyait qu’il existait une variation continue des proportions,
          plutôt  que  des  proportions  définies  des  différents  éléments  dans  leurs
          combinaisons chimiques, où deux éléments pouvaient réagir entre eux en
          se combinant dans n’importe quelle proportion. Mais Proust démontra que
          les théories de Berthollet se fondaient sur une mauvaise démonstration ap-
          pliquée (les composés qu’il étudiait étant très impurs), et que ces théories
          conduisaient à des conclusions indéfendables.
             Une dissolution d’ammoniaque dans l’eau était une chose différente de
          la réaction entre l’hydrogène et l’azote qui produisait l’ammoniaque. De
          nouveaux moyens allaient le prouver, puisqu'en 1803, Jöns Jacob Berzelius
          et William Hisinger avaient commencé de leur côté à étudier la décompo-
          sition des sels à l’aide d’un nouvel instrument mis au point trois années
          auparavant par le physicien italien Alessandro Volta : la pile électrique.


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