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Car Lavoisier ne proposait pas seulement une méthode et une théorie
          générale à la nouvelle science chimique, il impulsait la création d’un langage
          propre, et même d’un journal. Enfin, fait non moins important, il ouvrait
          une voie biochimique, qui deviendra dominante un siècle et demi plus tard.
          En effet, après la publication du Traité, Lavoisier s’engagea dans des re-
          cherches sur la respiration animale, avec le célèbre mathématicien Pierre-
          Simon de Laplace, puis avec le jeune Armand Séguin. Il parvint à démon-
          trer que la source de la chaleur animale était une réaction endogène de
          combustion de composés du carbone avec de l’oxygène, qui produisait du
          gaz carbonique et de l’eau. Lavoisier remarqua aussi qu’au cours d’une in-
          tense activité physique, la consommation d’oxygène augmentait.
             Malheureusement, il réalisait tout cela en 1789, quand la révolution chi-
          mique rencontrait et recoupait une autre révolution, la révolution politique
          française. Et dans ce contexte, Lavoisier, chimiste désormais célèbre dans
          le monde entier, était aussi un Fermier Général de Paris, qui percevait l’ar-
          gent des impôts royaux. Il n’était pourtant pas opposé au changement de la
          société française ; et en tant qu’homme de science, il essayait de se rendre
          publiquement utile selon ses compétences, pendant cette période de trans-
          formations radicales. Avec Laplace, Monge et Condorcet, il travaillait même
          pour l’Académie des Sciences à la définition d’un nouveau système de me-
          sure décimal, avec une nouvelle unité de mesure, le mètre.
             Ses mérites scientifiques n’ont pourtant guère eu de poids lorsque la
          révolution cessa d’être modérée et, qu’avec la Terreur, elle provoqua un
          bain de sang. Marat l’attaqua explicitement dans ses Lettres sur le charlata-
          nisme académique. Le 8 août 1793, l’Académie des Sciences fut fermée.
          Mais ce qui décida surtout du sort funeste de Lavoisier, c’est son activité
          de percepteur d’impôts, par laquelle il servait les intérêts de la monarchie.
          On se mit à rechercher l’illustre chimiste. En novembre, il se constitua pri-
          sonnier, et le 8 mai 1794, après un procès sommaire, il fut guillotiné.
             Une fin paradoxale, puisqu’en quelques années, il avait fait de la chimie
          une science moderne d'intérêt public, en lui donnant une méthode, une
          théorie, un langage. En d’autres termes, il avait déclenché une révolution,
          mais chimique, comme il l’écrivait lui-même à Benjamin Franklin en 1790.
             Antoine Laurent de Lavoisier n’a laissé derrière lui, pour ses succes-
          seurs, que deux erreurs à corriger et deux problèmes à résoudre. D’abord
          une erreur de nature physique, ou physico-chimique, par sa conviction
          que le calorique était une véritable substance. Et une autre erreur, de na-
          ture chimique, était que tous les acides soient des composés de l’oxygène.



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