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Mais l’interprétation des résultats obtenus, en particulier ceux relatifs
à la formation d’eau, par le chimiste expérimental pourtant expert qu’était
Cavendish, n’était pas exacte : l’air inflammable, déclarait de façon erro-
née l’anglais, était du phlogistique presque pur, alors que l’oxygène était
de l’air dé-phlogistiqué, et il concluait que l’eau se condensait pour rede-
venir liquide quand elle pouvait se libérer de ces deux gaz.
Lavoisier prit connaissance de cette expérience en 1783. Il la renou-
vela, et il devina rapidement l’explication correcte du phénomène : l’eau
ne libérait aucun gaz de cette manière. Au contraire, elle se formait par
combinaison violente entre l’oxygène et l’air inflammable, qui était un
élément chimique que, plus tard, Guyton de Morveau appellera hydro-
gène, c’est-à-dire générateur d’eau. Puisqu’on pouvait comprendre ainsi
à la fois la nature de l’air, la nature de l’eau, et celle de la combustion, il
était désormais temps pour lui d’associer tous ces faits dans une nouvelle
théorie générale, et de rendre cela public. Sans négliger pour autant ses
autres activités, Lavoisier s’engagea donc dans la rédaction de son célèbre
Traité élémentaire de chimie, publié à Paris en 1789.
Ce livre représentait autant pour la chimie ce que les Principia de New-
ton représentaient pour la physique. C’était l’œuvre majeure par laquelle
Lavoisier définissait les bases et la théorie d'une nouvelle chimie, en dé-
montrant preuves à l’appui qu’il disposait d’une méthode que la chimie
n’avait jamais connue auparavant. En fait, dans ce Traité, il expliquait et il
interprétait une méthode qu’on qualifiera plus tard de réductionniste.
Lavoisier écrivit qu’en soumettant à des expériences les différents corps
qui existaient dans la nature, la chimie visait à les décomposer pour qu’on
puisse examiner séparément les différentes substances qui entraient dans
leur composition. Il déclarait que la chimie marchait vers son but en divi-
sant, subdivisant et resubdivisant, même sans savoir encore quelle serait la
limite des découvertes. Et il établit dans ce sens une table des éléments.
En suivant cette voie, il lui sembla possible de remonter aux principes
fondamentaux de la nature chimique, et de définir les substances simples
qui appartenaient à tous les règnes de la nature, et qui pouvaient être
considérées comme les éléments communs des corps. En fait, la première
table des éléments de Lavoisier était largement incomplète, ce que d’ail-
leurs il reconnut lui-même. Mais, outre qu’elle normalisait le concept mo-
derne d’élément chimique, elle se basait sur des principes qui resteront
utilisés longtemps. Et elle peut être considérée comme le point de départ
de ce qui constituera la future table moderne des éléments chimiques.
Marc CARL Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI 275