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Le Traité établissait que dans les transformations artificielles humaines
comme dans celles de la nature, rien n’était créé ex-nihilo. Un axiome
récurrent stipulait que dans chaque transformation, avant et après qu’elle
soit effectuée, on retrouvait la même quantité de matière.
C’est selon ce principe que découlait, selon Lavoisier, tout l’art de
faire des expériences chimiques. Certes, depuis longtemps, les chimistes,
dans la pratique de leur art, l’admettaient implicitement, souvent sans s’en
formaliser. Et ce principe avait aussi été déjà explicitement affirmé par le
savant russe Mikhaïl Vassilievitch Lomonossov.
Mais Lavoisier a été le premier à avoir formulé un principe de conser-
vation de la matière, et à l’avoir appliqué clairement à la chimie. De ce
principe découlait la possibilité, très tôt comprise par Lavoisier, de décrire
les réactions chimiques par de simples équations algébriques. Une de ses
équations, utilisée dans le Traité, peut être considérée comme la première
équation simple de l’histoire chimique : moût de raisin = acide carbonique
+ alcool. La tentation de Lavoisier de suivre les traces de la physique et de
rendre plus mathématique la chimie se confirma lorsqu’il dit " Nous pou-
vons vérifier nos résultats expérimentaux avec le calcul et, réciproquement,
vérifier nos calculs par une voie expérimentale. J’ai souvent adopté avec
succès cette méthode pour corriger les premiers résultats de mes expé-
riences, et pour m’orienter sur une bonne voie, en vue de les répéter ".
Après avoir conçu ces nouveaux principes de base de la chimie et de
sa méthode mathématique d’application, il put engager son offensive
contre la théorie du phlogistique. La combustion, soutenait Lavoisier, était
une réaction de l’oxygène avec une autre substance, et l’augmentation de
poids de cette substance était exactement égale à la quantité d’oxygène
qu’elle consommait. Quant à l’oxygène, c’était le plus universel des gaz
(c’est-à-dire le plus répandu et le plus réactif), parce qu’il intervenait dans
la formation de la majeure partie des substances composées : acides, bases,
sels. En particulier, en réagissant avec un radical, l’oxygène formait un
acide, et en réagissant avec un métal, il formait une base. La réaction d’un
acide avec une base conduisait, ensuite, à la formation de sels. La théorie
de l’oxygène se substituait ainsi définitivement à la théorie du phlogistique.
Dans ce Traité, on ne trouvait donc pas seulement l’exposition d’une
nouvelle chimie. On y trouvait aussi une nouvelle façon de concevoir la
chimie, devenue une science logique et axiomatique, qui précisément
comme les mathématiques, pouvait être déduite d’une série de principes,
ou axiomes, évidents en eux-mêmes.
276 Eco-Savoirs pour tous rev.1.4 fr © LEAI Marc CARL