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Quant aux deux problèmes irrésolus, ils concernaient les fondements
               de la chimie : la nature de l’affinité, et la conception des corps purs com-
               posés. Mais le bilan restait globalement positif.
                 Car au début du 19  siècle, les chimistes avaient désormais des moyens
                                 ème
               assez améliorés pour corriger leurs erreurs et traiter leurs problèmes en sus-
               pens. La diffusion des informations devenait de plus en plus rapide, et un
               dialogue  entre  les  chercheurs  d’Europe  et  d’Amérique  s’intensifiait.  La
               science prenait un caractère de plus en plus international, où la nouvelle chi-
               mie, grâce à Lavoisier, avait enfin acquis un statut de science autonome. Des
               universités créaient des cours de chimie, et les chimistes n’avaient plus besoin
               de recevoir une formation préalable de médecine ou de pharmacie.
                 L’industrie, pour sa part, induisait des problèmes technologiques où
               la distinction entre chimie appliquée et chimie théorique tendait à se ré-
               duire. Au point que tous les grands chimistes, au tournant du 18 ème  et du
               19 ème  siècles, devenaient aussi bien théoriciens que praticiens. La plupart
               devinrent des contributeurs actifs au développement industriel, civil et
               militaire. Lavoisier lui-même avait fourni à l’armée française de puissants
               explosifs. Et, au cours des guerres que Napoléon entreprit en Europe, de
               nombreux laboratoires et de nombreuses pharmacies se transformèrent
               en centres de production pour les besoins militaires.

                 Dans ce développement, par lequel se constituait une science chimique
               à part entière, il subsistait une simple gêne, du fait que Lavoisier, Boyle, et
               d’autres, avaient été originellement des physiciens versés dans le domaine
               chimique. À l’époque suivante, en revanche, les chimistes ont été plus pré-
               occupés par la recherche d’une formation spécifique, et par l’évolution
               d’une science distincte. Ceci avec quelques aléas, puisque, confrontés à la
               nécessité de consolider le succès rapide de leurs théories qualitatives, ils
               tendirent alors à moins utiliser la physique, ce qui entraîna un éloignement
               de fait des deux disciplines, lesquelles au contraire auraient probablement
               gagné à rester encore quelque temps en synergie pratique.
                 Pour la chimie, cela constitua un frein à l’exploration de nouveaux
               champs de recherche mixtes. Un exemple en a été fourni par le dévelop-
               pement de la thermodynamique, et par le dépassement de la notion de
               calorique.  La  plupart  des  chimistes  utiliseront,  pendant  au-moins  un
               demi-siècle après la mort de Lavoisier, la notion de calorique, alors que
               les physiciens,  par  le  développement  de leurs  études  de  thermodyna-
               mique, la rendaient obsolète. Le premier à mettre explicitement cette no-
               tion en doute, dès 1798, fut l’Américain Benjamin Thompson.



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