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Mais Jöns-Jakob Berzelius (1779-1848), devenu à son tour une auto-
          rité dans la chimie mondiale, formula une théorie plus précise et plus
          juste de l’affinité. Il soutint que les espèces chimiques étaient constituées
          d’atomes, et que chaque atome était un dipôle, c’est-à-dire qu’il possédait
          à la fois une charge positive et une charge négative. Sur chaque atome,
          pouvait se former un excès de charge positive ou négative, ce qui le ren-
          dait plus ou moins électronégatif ou électropositif.
             La  seule  exception  était  que  l’oxygène,  l'élément  qui  apparaissait
          comme le plus électronégatif, ne possédait qu’une charge négative, et se
          trouvait donc au sommet d’une échelle d’électronégativité. Tout autre
          élément pouvait être situé dans cette échelle, en étant plus électronégatif
          que les espèces qu’il précédait et plus électropositif que les espèces qui le
          précédaient.  Dans  ces  conditions, des  réactions  chimiques  se produi-
          saient entre des espèces qui se trouvaient dans des parties opposées de
          l’échelle d’électronégativité, et qui essayaient de neutraliser leurs excé-
          dents respectifs de charge.
             Toutefois,  l’opération  de  neutralisation  n’apparaissait  pas  toujours
          achevée.  Par  exemple,  le  soufre,  espèce  électropositive,  réagissait  avec
          l’oxygène pour donner du trioxyde de soufre (anhydride sulfurique), dans
          lequel subsistait une charge négative, et le trioxyde de soufre tendait à réagir
          avec d’autres espèces électropositives, jusqu’à ce qu’on obtienne une neu-
          tralisation maximum. La théorie de Berzelius n’expliquait donc pas seule-
          ment ce qui se produisait dans les opérations électrolytiques, elle donnait
          une  explication  plus  cohérente  de  cette  force,  jusque-là  mystérieuse,
          qu’était l’affinité, qui portait des espèces chimiques à réagir ou non entre
          elles. C’est pour cette raison qu’elle rencontra un succès rapide : les chi-
          mistes pensaient avoir résolu le grand problème laissé ouvert par Lavoisier.
             La théorie de Berzelius avait pourtant deux points faibles. Le premier
          était qu’elle ne s’adaptait pas à tous les faits expérimentaux, notamment
          quand un composé n’avait pas de charge électrique, et donc pas de charge
          électrique négative. Le deuxième est qu’elle n’expliquait pas l’étrange hypo-
          thèse qu’avait avancée Amedeo Avogadro (1776-1856), selon laquelle deux
          atomes d’hydrogène, d’oxygène, et de nombreux autres éléments, pouvaient
          réagir et se lier entre eux pour former une molécule d’hydrogène, d’oxygène,
          ou d’autres espèces. Berzelius ignora le premier point faible sans démons-
          tration, et il contra le deuxième en ignorant les théories d’Avogadro.
             Mais finalement, même si Benjamin Richter en avait eu d’abord l’intui-
          tion, c’est à Joseph-Louis Proust (1754-1826) que reviendra le mérite d’éta-
          blir et de démontrer l’affinité réelle, par sa loi des proportions définies.


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