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LA CHIMIE MODERNE
Depuis le développement de l'Homo Sapiens, au paléolithique moyen, la
transformation de la matière par nos ancêtres avait fait intervenir des subs-
tances organiques, même si ces substances leur paraissaient particulièrement
complexes à connaître et à utiliser. Et à l'orée des temps modernes, l'essor
de la chimie en tant que science n’avait pas encore modifié cette perception.
Les chimistes précurseurs observaient dans leurs laboratoires que les subs-
tances produites par les organismes vivants se comportaient d’une manière
différente, étaient moins stables, et plus réactives, que les substances tirées
du monde non-vivant.
C’est ainsi que le chimiste suédois Torbern Bergman, en 1780, distinguait
trois types de substances : les substances minérales, qui étaient généralement
simples, puis les substances pures extraites d'organismes, qui restaient com-
plexes, et enfin les produits organiques, c’est-à-dire les fluides et les tissus,
encore plus complexes, issus d’organismes vivants, animaux ou végétaux.
Berzelius utilisa volontiers cette différenciation. En 1814, il était parmi
les premiers à parler de chimie organique, même si par ce terme il entendait
ce qui sera défini ensuite comme la chimie biologique. Berzelius constatait
aussi que les composés organiques obéissaient à la nouvelle loi des propor-
tions, définies et constantes, comme le faisaient aussi les composés inor-
ganiques. En réfléchissant plus loin, il imaginait que les constituants orga-
niques pouvaient obéir aux autres lois générales de la chimie, malgré le fait
qu’à son époque, il soit difficile de le démontrer.
Un obstacle à l’expérimentation restait le fait que Berzelius, comme
presque tous ses confrères chimistes d’alors, pensait que les composés
organiques ne pouvaient pas être obtenus en laboratoire, parce qu’ils
étaient produits et contrôlés par une vis viva, une force vitale, qui avait
seule la capacité de conférer la vie aux organismes. C’est avec une grande
surprise, par conséquent, qu’en 1828 Berzelius et les vitalistes reçurent
une information disant que Friedrich Wöhler (1800-1882) était parvenu
à transformer un composé inorganique, le cyanate d’ammonium, en urée,
un composé organique produit jusqu’alors seulement par les animaux.
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