Page 292 - eco-savoirs pour tous
P. 292

Son disciple, Auguste Laurent (1807-1853), déduisit les conséquences
          théoriques de cette découverte. Les hydrocarbures, composés seulement
          d’hydrogène et de carbone, pouvaient être considérés comme des radi-
          caux fondamentaux, à partir desquels, soutenait Laurent, on pouvait ob-
          tenir au moyen de réactions de substitution appropriées des radicaux dé-
          rivés, qui conservaient pour l’essentiel les mêmes propriétés que les radi-
          caux d’origine. La théorie de Laurent semblait constituer une nouvelle
          formulation améliorée de la théorie de Berzelius, mais le suédois réagit
          une fois encore avec énergie contre cette hypothèse.  Je ne peux pas ac-
          cepter, soutenait-il, qu’un atome électronégatif comme le chlore puisse
          remplacer  un  atome  électropositif  comme  l’hydrogène.  La  théorie  de
          Laurent fut attaquée également par Liebig et par son puissant maître,
          Dumas, membre influent de l’Académie des Sciences de France.
             Bref, Laurent se retrouva pour longtemps relégué dans de petites uni-
          versités de province, sanctionné pour avoir défié les grands de la chimie.
          Toutefois, sa théorie, appelée théorie unitaire pour la distinguer de celle
          de Berzelius, s’imposa lentement. Réussissant à convaincre finalement
          Dumas, Laurent se consola en obtenant une chaire à Paris, mais où il
          mourut, encore jeune, de tuberculose. La théorie des radicaux, surtout
          avec l'amélioration de Laurent, avait finalement contribué à éclaircir la
          chimie organique. Bien qu’elle ne soit pas rigoureusement correcte, elle
          avait permis d’établir l’existence des groupes fonctionnels, qui avaient un
          comportement particulièrement complexe, et qui échappaient aux lois
          dualistes qui semblaient régir la chimie inorganique.
             Mais cette théorie des radicaux ne pouvait pas, en l’état, être la théorie
          définitive de la chimie organique, puisque les chimistes ne savaient encore
          pas comment les atomes se liaient entre eux dans un composé organique, et
          donc, comment ils pouvaient donner naissance à des groupes fonctionnels.
             C’est pourquoi, quand l’affinité chimique a commencé à être  mieux
          comprise,  et  après  la  fin  du  19   siècle,  quand  les  précoces  intuitions
                                     ème
          d’Avogadro ont été mieux acceptées, est née une théorie de la chimie or-
          ganique plus complète : la théorie structurale. L’élaboration de cette théorie
          a été facilitée par une série de nouvelles découvertes de composés orga-
          niques, par lesquelles vers 1850, Hermann Kolbe obtint l’éthane, Edward
          Frankland le butane, et Charles Wurtz les amines primaires.
             On commença alors à reconnaître les groupes fonctionnels de différents
          composés  organiques,  et  des  formules  d’analogie  furent  élaborées,  que
          Kolbe allait pouvoir rendre semblables aux formules développées modernes.



          292                                        Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr        © LEAI        Marc CARL
   287   288   289   290   291   292   293   294   295   296   297