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En outre, ils montrèrent comment on pouvait les mesurer au moyen
               d’un instrument qu’eux-mêmes avaient mis au point : le spectroscope, un
               instrument si sensible qu’il détectait les raies caractéristiques d’éléments
               présents même à l’état de traces. Bunsen découvrit avec cela deux nou-
               veaux métaux alcalins : le césium en 1860, et le rubidium en 1861.

                  La première application pratique de l’analyse spectroscopique porta
               sur l’étude des principaux minéraux qui alimentaient le système industriel
               du 19  siècle. La chimie inorganique expérimentale obtint de ce fait, dans
                   ème
               la première moitié du 19 ème  siècle, toute une série de succès, comparables
               à ceux de la chimie organique. Pourtant, comme en chimie organique, on
               a d’abord eu du mal à y créer une théorie unitaire capable d’exploiter les
               succès pratiques. Car même si les chimistes obtenaient les mêmes résultats
               expérimentaux à Paris, à Berlin, à Londres, ou à Rome, leurs interpréta-
               tions restaient souvent divergentes, comme si chacun s'exprimait dans des
               référentiels différents, parfois incompréhensibles pour les autres.

                 C’est pourquoi, pour unifier les langages et les interprétations, August
               Kekulé organisa avec son ami Carl Weltzein, et avec Charles Wurtz, un pre-
               mier Congrès chimique international, le 3 septembre 1860 à Karlsruhe, en
               Allemagne. Ce Congrès obtint un succès de prestige remarquable, parce qu’il
               réunissait pour la première fois la plupart des chimistes du monde. Mais il
               n’aurait pas obtenu un tel succès pratique sans la contribution d’un un ensei-
               gnant de chimie de l’université de Gênes : Stanislao Cannizzaro (1826-1910).
                 Ce chimiste italien était un grand connaisseur, et un adepte, des idées
               d’Avogadro. Et il considérait que le moment était venu de les relancer, en
               étant convaincu que ces idées pouvaient aider à constituer une base consen-
               suelle d’interprétation d’une bonne partie des résultats expérimentaux obte-
               nus pendant les années précédentes. À Karlsruhe, Cannizzaro apporta une
               de ses publications dans laquelle il démontrait que tous les grands chimistes
               de l’époque, de Berzelius à Dumas, avaient en fait accepté une partie des
               idées d’Avogadro. Il suffisait de les accepter plus officiellement comme un
               tout, pour donner à la chimie théorique un cadre cohérent et consensuel.
               Dans cette démarche, on pouvait distinguer clairement entre les atomes et
               les molécules, soutenait Cannizzaro, et on pouvait fournir une unité de me-
               sure simple et cohérente pour la détermination des poids atomiques.

                 Car si l’on choisissait comme unité de mesure la demi-molécule (donc
               l’atome)  d’hydrogène,  il  était  alors  possible  de  déterminer  avec  une
               grande simplicité et une grande précision les poids atomiques et les poids
               moléculaires de toutes les substances connues.



               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      295
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