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De son côté, l’allemand Friedrich August Kekulé (1829-1896) fit ac-
               complir un nouveau grand pas qualitatif à la chimie organique. En 1858, il
               démontra que chaque atome de carbone avait quatre unités d’affinité, c’est-
               à-dire qu’il pouvait participer à quatre liaisons chimiques différentes. Il
               pouvait se lier à quatre atomes ne présentant qu’une seule unité d’affinité,
               comme l’hydrogène, ou à deux atomes disposant de deux unités d’affinité,
               comme l’oxygène. Mieux encore, Kekulé se rendit compte qu’un atome de
               carbone pouvait se lier à un autre atome de carbone, en laissant trois unités
               d’affinité libres pour chacun d’entre eux. Ainsi, les atomes de carbone pou-
               vaient donner naissance à des chaînes aussi longues que l’on voulait. Et ces
               chaînes, plus ou moins longues, formaient la base des composés orga-
               niques. Les groupes fonctionnels qui caractérisaient les différents com-
               posés organiques se fixaient naturellement sur ces chaînes.
                 En 1861, Kekulé put donc résumer la chimie organique moderne en
               une chimie des composés du carbone. Cette conception a été renforcée à
               Paris par l’écossais Archibald Scott Cooper, qui représenta par une ligne
               chaque liaison d’affinité, ce qui améliorait la visualisation de la structure du
               composé, et l’écriture de sa formule développée. Et tout s’enchaina alors
               rapidement.  Dans  les  mois  suivants,  furent  découvertes  les  doubles  et
               triples liaisons du carbone, qui donnèrent naissance à des classes entières
               de composés, respectivement nommés les alcènes et les alcynes.
                 Pourtant, si grâce à Kekulé et à Cooper, la nature des composés orga-
               niques était mieux comprise, c'était seulement pour la nature et la structure
               des composés aliphatiques, car celles des composés aromatiques restait en-
               core mystérieuse. En 1865, Kekulé finit par résoudre aussi ce mystère, en
               imaginant que les chaînes des atomes de carbone pouvaient se replier sur
               elles-mêmes et se fermer en constituant un cycle ; et l’un de ces cycles, celui
               du benzène, constituait la base de la chimie organique aromatique.
                 Au cours des années suivantes se produisit une autre impulsion, dans
               le développement de la chimie expérimentale et théorique. On comprit
               que l’atome de carbone avait une géométrie tétraédrique, mais qu’il n’était
               pas toujours tétravalent. Puis on comprit, grâce à Markovnikov, que les
               groupes fonctionnels et la réactivité des atomes pouvaient être influencés
               par la proximité d’autres groupes sur la chaîne carbonée.
                 On approfondit ensuite les études sur les isomères et, notamment sur
               les isomères optiquement actifs découverts par Louis Pasteur. C’est ainsi
               que naquit la stéréochimie, et avec elle la chimie des carbohydrates. On syn-
               thétisa alors des centaines, puis des milliers, de composés organiques, con-
               çus cette fois dans le sens de Kekulé, celui de composés de carbone.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      293
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