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Pour donner plus de force à cette idée prometteuse, Cannizzaro pré-
senta à ses collègues un tableau -correct pour l’essentiel- des poids mo-
léculaires d’un grand nombre de composés. Le Congrès se montra récep-
tif à ce changement, radical mais simple. Aussi, lorsque, quatre années
plus tard, l’Allemand Lothar Meyer publia un livre sur la nouvelle théorie
chimique fondée sur les théories d’Avogadro, la plupart des chimistes du
monde entier avaient déjà accepté ces concepts, et la chimie théorique,
tant organique qu’inorganique, avait accompli un pas en avant décisif.
Il était possible dès lors de modéliser aussi bien les structures simples
des composés inorganiques que les structures complexes des composés
organiques, sur la base de quelques règles logiques. L’acceptation de la
théorie d’Avogadro permettait de distinguer les atomes des molécules, et
d’en expliquer le comportement, tandis que la découverte et l’isolement
d’un grand nombre d’éléments permettait de vérifier que beaucoup
d’entre eux présentaient des comportements semblables en groupe. Les
halogènes, par exemple, étaient tous très réactifs et électronégatifs. Les
métaux alcalins avaient des propriétés chimiques presque identiques. La
même chose valait pour les métaux du groupe platine.
Il était donc évident, pour Johann Wolfgang Dobereiner, que les élé-
ments chimiques se divisaient en groupes ayant des propriétés analogues, et
que ces groupes étaient formés de trois éléments, ou triades. John A.R. Ne-
wlands remarqua en outre une correspondance entre les poids atomiques et
les propriétés chimiques, et il montra que les constituants de chaque triade
revenaient sur une échelle des poids atomiques tous les huit éléments.
Newlands appela cette périodicité règle des octaves, en hommage à
sa culture musicale. Mais ses confrères restèrent d’abord sceptiques. Le
russe Dmitrij Ivanovitch Mendeleiev essaya alors de surmonter cette dé-
fiance en rangeant les éléments dans un tableau par poids atomiques
croissants. Chaque ligne était formée de sept éléments, et chaque colonne
regroupait les éléments ayant des propriétés chimiques semblables. Men-
deleïev était tellement sûr de la justesse de sa classification, qu’il alla
jusqu’à prédire non seulement l’emplacement, mais aussi les propriétés
chimiques, d’éléments non encore découverts. Dans la colonne de l’alu-
minium, par exemple, il y avait un vide qui devait être comblé par un
élément, l’éka-aluminium, dont le poids atomique serait égal à 68. Cet
élément formerait un trioxyde, Ea O , avec un poids spécifique 5,5. Il se
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dissoudrait dans les acides pour former des sels du type EaX , et pour
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former des hydroxydes qui se dissoudraient dans les acides et dans les
alcalis. Les sels y seraient logiquement de nature basique.
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