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Sur le plan théorique, il adhérait à l’hypothèse atomiste. Mais il pensait,
          à la différence de Boyle, qu’en plus de leur forme, de leurs dimensions et de
          leur mouvement, les particules élémentaires, ou les éléments dits premiers,
          avaient aussi des propriétés intrinsèques spéciales. En particulier, les élé-
          ments premiers seraient dotés d’une force attractive qui tendrait à les faire
          s’unir en combinaisons. Pour Stahl, parmi les combinaisons simples, il y avait
          d’abord  celles  de  l’or  et  de  l’argent ;  et  les  autres  combinaisons  étaient
          presque toutes considérées comme complexes et secondaires.
             Les éléments premiers de Stahl étaient les mêmes que ceux de Becher,
          à cette différence près que, comme les quarks qui seront observés au 20 ème
          siècle, ils ne se trouvaient jamais seuls dans la nature, et qu’ils ne pouvaient
          donc pas être isolés. Si un élément premier quittait une combinaison, ce
          n’était que pour entrer immédiatement dans une autre. Les propriétés des
          éléments premiers, par conséquent, ne pouvaient être observées qu’indi-
          rectement, en étudiant les propriétés de leurs différents composés.
             Stahl appelait ainsi phlogistique ce que Becher appelait terra pinguis, et
          il se consacra à son étude dans les transformations des métaux, en suppo-
          sant que, quand un métal était chauffé, il perdait son phlogistique, qui se
          dissipait dans l’air, et il mutait en chaux. Par conséquent, ce métal était à
          considérer comme un composé, ou mieux comme une combinaison, plus
          complexe que la chaux : la réduction de la chaux en métal se faisait chaque
          fois qu’elle pouvait fixer à nouveau le phlogistique perdu, par exemple en
          extrayant cet élément premier du carbone, qui en était riche.
             L’air, par conséquent, n’était qu’un intermédiaire mécanique, un sol-
          vant, qui n’entrait pas dans la réaction de combustion. Quant aux végétaux,
          qui pouvaient brûler eux aussi, et qui contenaient par conséquent du phlo-
          gistique, ils le libéraient dans l’air au cours du processus de combustion.
          Les animaux, à leur tour, l’acquéraient par les végétaux. Il n’y avait pas
          d’exception au fait que toutes les substances brûlaient en cédant du phlo-
          gistique. Mais il était inutile de le chercher, car le phlogistique étant un élé-
          ment premier, il ne pouvait pas être isolé.
             Avec cette théorie, Georg Ernst Stahl donnait une explication unique à
          deux phénomènes apparemment différents : la combustion des matières
          organiques, et l’oxydation des métaux. Même inexacte, c’était une première
          théorie générale de la chimie. Et c’était une hypothèse en partie scientifique,
          en  ce  sens  qu’elle  présentait  au  moins  une  aptitude  à  la  prévision,  car,
          comme l’observa Leicester, après Stahl, tous les phénomènes que l’on ob-
          servait dans l’oxydoréduction trouvaient leur place dans cette théorie.



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