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D’autant plus que le constat du fait que le monde des virus était lui aussi
          régi par les lois de la génétique avait confirmé non seulement la généralité
          des mécanismes de l’hérédité, mais avait ouvert la voie à l’utilisation de ces
          organismes particuliers, à mi-chemin entre les êtres vivants et les êtres non-
          vivants, comme matériel de laboratoire. C’est ainsi qu’en 1944, on a fait,
          dans un laboratoire de bactériologie, la découverte  révolutionnaire que
          l’ADN était le matériel génétique de base, y compris pour les virus, et que
          toute l’information nécessaire pour perpétuer la vie de chaque espèce, de
          génération en génération, était contenue dans cette molécule.
             Le processus de cette découverte est intéressant. Depuis le début des an-
          nées 1940, le bactériologiste américain Oswald T. Avery (1877-1955) travail-
          lait sur des pneumocoques, bactéries responsables de la pneumonie. Avery
          utilisait dans ses expériences deux souches différentes de pneumocoques :
          une souche virulente, à capsule lisse, et une souche non virulente, à capsule
          rugueuse. Il découvrit qu’il pouvait transmettre le caractère lisse aux bactéries
          à capsule rugueuse, en purifiant un extrait des premiers, contenant le principe
          transformant, alors même que la nature chimique de ce principe était seule-
          ment de l’ADN, sans aucune protéine. L’affirmation du fait que c’est l’ADN
          qui  contenait  l’information,  et  non  les  protéines,  comme  on  le  croyait
          jusqu’alors, ouvrit la voie à une réorientation réactive des recherches.

             Une  validation  définitive  de  la  découverte  d’Avery  fut  apportée  en
          1952, quand Alfred D. Hershey et Martha Chase démontrèrent, au moyen
          de marqueurs radioactifs (radionucléides), que les bactériophages, en atta-
          quant les cellules bactériennes, n’y faisaient pénétrer que leur ADN, et que
          celui-ci contribuait à la formation de virus dotés d’ADN et de matériel
          protéique modifiés. Ces résultats, fondamentaux sous de nombreux as-
          pects, semblaient néanmoins déboucher sur un paradoxe. Si l’ADN était la
          substance de base dotée de spécificité génétique, il ne pouvait pas avoir la
          structure qu’on lui attribuait, et il devait posséder un mécanisme d’autoré-
          plication pour transmettre et conserver en même temps son information.
             Ce n’est qu’à partir de 1953, avec la découverte de la structure à double
          hélice de la molécule d’ADN par James D. Watson et Francis Crick que
          l’on commença à résoudre cette contradiction apparente. Nous avons vu
          au chapitre précédent comment les développements ultérieurs de la géné-
          tique, étroitement liés à ceux de la biologie moléculaire, avaient mené au
          déchiffrage du code par lequel les séquences nucléotidiques se traduisaient
          en séquences protéiques, et à la compréhension des mécanismes com-
          plexes de régulation de l’expression des gènes.



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