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Cette période de réticence a été considérée comme celle de la génétique
dite formelle, parce que les facteurs héréditaires étaient admis comme de
simples entités abstraites, utile pour établir des lois de distribution des ca-
ractères, mais pas comme des entités réelles, associées à une structure cel-
lulaire spécifique. Les conversions à la réalité ont donc été laborieuses.
Même l’embryologiste américain Thomas H. Morgan (1866-1945), qui
devait par la suite recevoir un prix Nobel en 1933 pour avoir démontré la
valeur du schéma mendélien comme théorie générale de l’hérédité, avait
qualifié d’abord dans un écrit de 1909 les explications mendéliennes d’acro-
baties conceptuelles hasardeuses, mettant l’accent sur la nature purement
formelle et arbitraire des formulations, et ajoutant que les facteurs de Men-
del avaient seulement une consistance hypothétique. Cette aversion était
due alors à une confusion fondamentale entre le patrimoine héréditaire et
le caractère qui lui était associé, et qui se manifestait dans l’individu adulte.
Une distinction entre ce qui a été appelé le phénotype, c’est-à-dire l’en-
semble des caractères d’un organisme, et le génotype, c’est-à-dire l’en-
semble des facteurs héréditaires qui sous-tendent ces caractères, avait été
faite en 1911 par le botaniste danois Wilhelm Johannsen. Cette distinction
amenait à concevoir le gène (terme introduit par Johannsen en 1909)
comme un facteur potentiellement producteur du caractère de l’adulte, en
éclaircissant les concepts de récessivité et de dominance, et ne contredisait
pas la théorie de Mendel dans un contexte scientifique.
Mais la distinction établie par Johannsen entre gène et caractère induisait
une autre question essentielle : quelle était la relation de l’un à l’autre ? Com-
ment les gènes contrôlaient-ils la réalisation des caractères ? Les gènes
avaient-ils une réalité matérielle en vertu de laquelle cette relation pourrait
être expliquée comme une interaction chimique ? Mendel lui-même, et
après lui Johannsen et plusieurs autres chercheurs, s’étaient abstenus de
toute hypothèse sur la nature physique du gène, considéré d’abord comme
une pure notion théorique, utile pour faire des conjectures, mais sans con-
sistance matérielle. Il était donc nécessaire de dépasser cette phase de gé-
nétique formelle pour ouvrir la voie à des confirmations, et à des décou-
vertes appliquées, plus probantes.
Le passage de la génétique formelle à la localisation effective du gène à
l’intérieur de structures matérielles se fit donc sous pression d’influences
multiples, en particulier liées au développement de la théorie cellulaire, qui
identifiait la cellule comme l’unité structurelle support de l’ensemble des
fonctions biologiques.
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