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Toutefois, bien que les cultures expérimentales de Drosophiles et de
               micro-organismes aient constitué un premier champ d’analyse utile à la
               compréhension  des  mécanismes  de  transmission  héréditaire,  ce  n’est
               qu’en étudiant des croisements au sein d’autres populations naturelles
               qu’il a été possible de mesurer la modification des fréquences des gènes
               au cours du temps, et sous différentes pressions sélectives, et donc de
               mieux raccorder la génétique à l’évolution et à l’histoire naturelles.
                 À cet égard, dès 1908, le mathématicien Godfrey Hardy (1877-1947),
               de Cambridge, et le médecin Wilhem Weinberg, de Stuttgart, avaient mis
               en évidence que, si les accouplements se faisaient au hasard, comme c’était
               le cas au sein des populations naturelles, les fréquences géniques demeu-
               raient inchangées à travers les générations successives, à moins qu’elles ne
               soient altérées par des influences externes assez fortes pour cela.
                 Le modèle théorique proposé par ces deux savants, et publié sous le
               nom de loi de Hardy-Weinberg, constitua un point de référence impor-
               tant pour les Anglais Ronald A. Fisher et John B. S. Haldane (1868-1964)
               et pour l’Américain Sewall Wright, qui allaient s'en servir pour réaliser
               une formulation mathématique de la génétique des populations, et une
               introduction de modèles statistiques permettant de suivre le changement
               des  fréquences  géniques,  sous  l’influence  de  la  sélection  naturelle,  et
               d’autres phénomènes tels que l’isolation géographique et la migration.
                 Des années 1940 jusqu’aux années 1960, Fisher, Haldane et Wright ap-
               profondirent ainsi l’analyse génétique de diverses populations naturelles, et
               ils  proposèrent  des  modèles  d’explication  des  fréquences  alléliques,  en
               combinant des études sur le terrain avec des recherches sur des populations
               qui s’étaient développées dans des conditions d’accouplement contrôlé, et
               avec des analyses cytogénétiques, c’est-à-dire portant sur la structure chro-
               mosomique et sa correspondance avec les caractères héréditaires.
                 À leurs  études vinrent  s’ajouter  celles  de  Theodosius Dobzhansky
               (1900-1975), un biologiste d’origine russe qui donna une impulsion im-
               portante aux recherches de génétique des populations, en utilisant avec
               succès des outils statistiques dans l’étude des phénomènes de l’adapta-
               tion, et en contribuant ainsi à la formulation de la théorie synthétique de
               l’évolution.
                 Toutefois, la découverte de polymorphismes étendus chez les popu-
               lations naturelles est venue contredire l’hypothèse selon laquelle la sélec-
               tion naturelle favorisait toujours la combinaison génétique la mieux adap-
               tée, et par là, le processus évolutionniste proposé par tous ces chercheurs.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      233
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