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En effet, sur la base des recherches commencées par Daniel Bovet
(1907-1992), on a pu produire des antihistaminiques, qui combattent les
effets de l’histamine, une substance responsable des réactions allergiques,
mais qui remplit aussi une fonction de neuromédiateur cérébral. Certains
antihistaminiques, en particulier la prométazine, avaient aussi un effet sé-
datif sur le cerveau, ce qui a induit la possibilité de les utiliser à des fins
thérapeutiques. Au début des années 1950, en France, Henri Laborit, puis
Jean Delay et Pierre Deniker, étudièrent les effets d’un dérivé de la promé-
tazine, la chlorpromazine. Laborit pensait qu’il pourrait être utile aux anes-
thésistes, et Delay et Deniker ajoutaient qu’il pourrait servir aussi aux psy-
chiatres. Ce médicament, utilisé en particulier pour soigner les maladies
mentales, a effectivement été diffusé dans le monde entier sous le nom de
Largactil. Un pays comme la France en consommait 428 kilogrammes en
1952, 75 tonnes l’année suivante, et 800 en 1955.
Entre-temps, l’exploration d’un autre filon de recherche avait déjà
commencé. À la fin des années 1940, Frank Berger (1913-2008), un phar-
macologue tchécoslovaque qui s’était réfugié à Londres pendant la se-
conde guerre mondiale, découvrit, au cours d’expériences sur de pos-
sibles médicaments antibactériens, que l’un d’entre eux, la méphénésine,
avait un effet calmant, ou tranquillisant (pour employer ses propres mots)
sur les animaux. Berger découvrit plus tard un composé semblable, le
méprobromate, qui fut autorisé à la vente publique en 1955, et qui enre-
gistra un net succès. Au début de la décennie suivante, en creusant dans
ce filon des tranquillisants dérivés, les chercheurs des laboratoires de la
société Roche Drug Company découvrirent le Librium, la première en
date des benzodiazépines, substances appelées à connaître un gros succès
commercial ensuite en tant que somnifères et anxiolytiques.
Une dernière avancée intéressante a concerné les centres nerveux de
la veille. Jusqu’aux années 1950, les recherches sur le sommeil étaient
orientées selon une représentation plutôt passive du phénomène. On
croyait que nous nous endormons quand le milieu ne nous stimule plus
assez pour nous tenir éveillés. De nouvelles recherches ont alors porté
non pas directement sur le sommeil, mais sur l’identification des centres
nerveux de la veille. Et dans les années 1950 et 1960, on a découvert que
la succession sommeil-veille était commandée activement par un système
de cellules distribuées sous forme de réseau dans la partie inférieure du
tronc de l’encéphale. Ce système a reçu le nom de formation réticulaire,
et les recherches les plus fructueuses ont été dues aux physiologistes Giu-
seppe Moruzzi (1910-1986) et Horace W. Magoun (1907-1991).
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