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Selon cette hypothèse, l’anticorps préexistait à la rencontre avec l’an-
          tigène. Mais ceci laissait entière l’énigme du grand nombre de réactions
          spécifiques induites, impliquant au moins autant d’anticorps préexistants.
          Dans les premières décennies du 20 ème  siècle, on évoqua l'hypothèse que
          les anticorps puissent être totipotents, c’est-à-dire tous identiques et ca-
          pables de réagir immunologiquement à n’importe quel antigène. Puis en
          1940, Linus Pauling avança une explication différente, qui eut beaucoup
          de partisans durant les années suivantes. Pauling considérait que l’anti-
          gène pouvait fonctionner comme un moule, autrement dit qu’il avait la
          capacité de mettre en forme l’anticorps.
             Or, cette théorie, qualifiée d’instructive parce que l’anticorps se serait
          alors formé sur la base des instructions chimiques de l’antigène, fut dé-
          mentie par les recherches sur l’ADN au début des années 1950. Les an-
          ticorps se révélèrent être des protéines, et selon ces recherches, la possi-
          bilité de produire ces protéines était liée à la présence de gènes corres-
          pondants dans l’ADN. En d’autres termes, un organisme n’aurait pu pro-
          duire qu’un éventail limité d’anticorps, et en tout état de cause, pas d’an-
          ticorps dont le gène correspondant n’existait pas déjà dans son ADN.

             Ce n’est qu’en 1955 que Niels K. Jerne publia un article qui marqua un
          tournant décisif dans cette recherche en suspens. Dans son étude, il avan-
          çait l’hypothèse de l’existence d’un mécanisme sélectif analogue à celui de
          la sélection naturelle modélisée par Darwin, et qui présidait à la détermi-
          nation de l’anticorps. Dans le modèle de Jerne, connu sous le nom de
          théorie sélective, l’anticorps existait déjà avant la rencontre avec l’antigène,
          à la surface des cellules immunitaires, et s’il était mobilisé, il se liait à l’an-
          tigène, déterminant la production de cellules d'intervention, et la destruc-
          tion de l’antigène. L’étude de la façon dont étaient coordonnées ces diffé-
          rentes fonctions, et leur interactivité, allait devenir un nouveau thème im-
          portant de recherche pour la physiologie dans les années 1920.
             Dans ce sens, en 1923, Starling qualifia l’activité du système endocrinien
          de ″sagesse du corps″, pour souligner son importance dans le contrôle des
          différentes fonctions, et dans la coordination et la régulation des conditions
          endogènes de l’organisme. Cette qualification a été reprise en titre d’un livre
          de Walter B. Cannon en 1932, dans lequel l’auteur précisait l’importance du
          maintien de ces conditions, en introduisant pour cela le concept d’homéos-
          tasie, qui établissait que le milieu interne de l’organisme ne pouvait pas va-
          rier physico-chimiquement sans dommages possibles, et qu’en présence de
          variations, l’organisme activait des mécanismes régulateurs ad-hoc.



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