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Et d'un autre côté, les éthologues de l’école européenne préféraient in-
sister sur les ressorts biologiques du comportement animal quand celui-ci
pouvait être observé dans son milieu. Il y avait une différence de perspec-
tive, voire de philosophie, à la base de tout cela. Pour les éthologues de
l’école européenne, comme pour la plupart des zoologues, le comporte-
ment exprimait une caractéristique biologique adaptative sous-jacente, ce
que la morphologie mettait pour sa part en évidence en anatomie comparée.
Il s’agissait d’une conception intéressante, entre autres, pour trouver
des homologies et des analogies dans la reconstruction phylogénétique et
pour y identifier les modifications évolutives. De leur côté, les éthologues
de l’école américaine étaient souvent des psychologues expérimentaux,
qui s’intéressaient plutôt à l’apprentissage et à la façon dont celui-ci pou-
vait modifier le comportement animal.
Un autre pionnier de l’éthologie restait toutefois indépendant de ces
écoles : Jean-Henri Fabre (1823-1915). De 1879 à 1903, il avait publié les
10 volumes de ses Souvenirs entomologiques, qui constituaient une compi-
lation très instructive de comportements des insectes. Entre autres
choses, Fabre avait remarqué pour la première fois que certaines actions
des animaux n'étaient pas évidentes pour qui voulait y voir une forme de
conscience ou d’utilité consciemment adaptative.
Son œuvre souleva quelques réactions d’opposition, car à côté de des-
criptions précises des habitudes des animaux cités, son ouvrage contenait
aussi quelques observations erronées. Des insectes y étaient identifiés par
des noms incorrects et, parfois, on avait l’impression que Fabre avait été le
premier à effectuer des observations sur tel ou tel sujet, ce qui n’était pas
exact. Si l'on pouvait émettre des doutes concernant Fabre en tant que
chercheur, il fut néanmoins un écrivain remarquable dans la description de
ses observations. Jean Rostand l’appela l’Homère des insectes, et son
nom fut même proposé pour un Prix Nobel de littérature.
Mais il n’était pas seul dans cette voie. Au passage du 19 au 20
ème
ème
siècles, C. Lloyd Morgan (1852-1936) avait publié lui aussi deux ouvrages
importants, Animal Life and Intelligence, et Animal Beahaviour, où il introdui-
sait, entre autres, des principes de conscience efficace et d’autoconscience.
Dans la même période, par des études et des observations sur le compor-
tement des invertébrés et des protozoaires, Jacques Loeb (1859-1924) et
Herbert S. Jennings (1868-1947) proposaient des concepts d’instinct, d’in-
telligence, et de tropisme, ce dernier concept ayant déjà été introduit par le
botaniste Julius van Sachs (1832-1897) pour la physiologie végétale.
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