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Durant cette phase, se construisent des comportements irréversibles.
               L’imprégnation, telle que reprise par Lorenz en 1935 après Heinroth, a été
               surtout étudiée chez les oiseaux et les mammifères. Dans une étude désor-
               mais classique, Lorenz découvrit que les petits des oies, des poules, ou des
               perdrix,  devant  le  premier  objet  qu’ils  voient  bouger,  développent  une
               forme d’attachement irréversible. Puisque, dans des conditions normales,
               après l’éclosion de l’œuf, cet objet est la mère, c’est elle qui devient le point
               de référence naturel. Cependant, si les nouveau-nés voient devant eux une
               poupée, un animal d’une espèce différente, ou un Homme, ceux-ci rempla-
               cent la mère. Chez ces oiseaux, l’image se fixe de façon permanente dans
               les 36 heures suivant l’éclosion. Dans cet intervalle, la mère peut être rem-
               placée, mais par la suite, cela n’est plus possible. Lorenz s’impliqua person-
               nellement dans ces expériences ; il se présenta en tant que premier être iden-
               tifiable à un groupe de jeunes oies durant la phase de l’imprégnation et, dès
               lors, celles-ci le suivirent partout, même en nageant avec lui dans l’eau.
                 Lorenz est intervenu dans le débat entre les éthologues européens et
               nord-américains, concernant l’importance relative de l’inné et de l’acquis
               dans le comportement animal. Un débat qui, dans certains cas, a été vif
               mais productif. En effet, tandis que Lorenz et d’autres éthologues euro-
               péens continuaient à parler d’instinct et de comportement inné, des étho-
               logues et des psychologues behavioristes, tels que D.O. Hebb et D.S. Lehr-
               mann, niaient la validité de telles affirmations. Ils soutenaient qu’il n’était
               pas possible d’effectuer des expériences pouvant mener à une distinction
               entre les informations apprises après la naissance, celles qui étaient assimi-
               lées au cours de la vie intra-utérine, et celles qui étaient guidées par le pa-
               trimoine génétique. En réponse à ces objections, les éthologues européens
               présentaient une longue liste de modules comportementaux que des ani-
               maux exploitaient même quand ils étaient élevés complètement isolés.
                 Pour expliquer le comportement stéréotypé de l’épinoche, Lorenz ex-
               posa notamment un principe de mécanisme inné de déclenchement, in-
               diqué par les initiales M.I.D. Lorenz expliqua ce comportement instinctif
               selon l’hypothèse que chaque animal possédait plusieurs modèles innés
               de  comportement, qu’il  appelait modules fixes  d’action,  spécifiques  à
               chaque espèce, et constants, tout comme leurs caractéristiques anato-
               miques. Chaque module d’action particulier restait en réserve, latent, tant
               que le stimulus de déclenchement n’activait pas le M.I.D. responsable
               d’un comportement automatique prédéterminé.
                 Selon Lorenz, chaque stimulus de déclenchement était adapté à un
               M.I.D., tout comme une clé l’est à une serrure.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      155
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