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Dans les années 1960, W. Schleidt et M. Schleidt enrichirent à leur tour
               les recherches sur les mécanismes innés qui activaient certains comporte-
               ments. Ces chercheurs, en observant des femelles de dindon, avaient remar-
               qué que si ces animaux étaient sourds, ils tuaient leurs petits, la surdité em-
               pêchant que le pépiement active le mécanisme responsable du comporte-
               ment maternel protecteur. E. Kuenzer et P. Kuenzer parvinrent à des con-
               clusions analogues. D’autres recherches sur le comportement social se pour-
               suivirent, en particulier celles qui avaient pour but d’éclaircir le fonctionne-
               ment de sociétés complexes, telles que celles des insectes sociaux (abeilles,
               fourmis, termites), qui pouvaient expliquer des phénomènes apparemment
               en contradiction avec la théorie darwinienne, comme l’altruisme, pour véri-
               fier quels étaient en fait les moteurs majeurs de la sélection naturelle.

                 Parmi les premiers à avoir des intuitions fructueuses à ce propos, se dis-
               tingua le Sud-Africain Eugène N. Marais (1872-1936) qui, dans les années
               1920, décrivit de façon approfondie aussi bien les sociétés de babouins, que
               celles des termites, pour lesquelles il évoquait un super-organisme commu-
               nautaire.  V.C.  Wynne-Edwards  (1906-1997)  considérait  pour  sa  part  le
               comportement social en fonction de la structure spatiale et démographique
               de la population à laquelle l’individu appartenait. L’analyse des mécanismes
               d’autorégulation des populations, par exemple par le cannibalisme, l’amena
               à identifier une stratégie évolutive particulière, la sélection dans l’intérêt du
               groupe. Cette approche a été corrélée par les travaux d’Hamilton, de Tri-
               vers, et de Maynard-Smith, qui introduisirent également le principe de kin
               selection, c’est-à-dire de sélection relative à la consanguinité.
                 Dans cette nouvelle perspective, plus large, l’éthologie s’associa utile-
               ment avec la génétique moléculaire. L’idée de départ était que, bien que
               l’individu soit apparemment l’objet sur lequel agissent les forces sélectives,
               ces forces agissaient en fait sur un pool de gènes, véhiculés tant par cet
               individu que par ceux qui lui étaient apparentés. Il fallait donc vérifier si
               l’évolution  tendait  à  préférer  les  solutions  qui  augmentaient  l’aptitude
               adaptative réciproque de l’individu et de son groupe social (fitness mutuel).
                 Des comportements suicidaires, incompréhensibles d’un point de vue
               purement individuel, prenaient un nouveau sens dans cette recherche in-
               clusive. Car ces processus semblaient préservés et préférés par l’évolution
               naturelle s’il y avait augmentation des probabilités de survie d’un pool de
               gènes, véhiculés non seulement par l’individu sacrificiel, mais également
               par ses parents. Les années 1970 et les années 1980 ont été marquées par
               la publication, en 1975, du livre d’Edward O. Wilson Sociobiologie, la nou-
               velle synthèse, et par le débat qu’il a provoqué.


               Marc CARL                    Eco-Savoirs pour tous    rev.1.4 fr         © LEAI      157
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