Page 153 - Annales EH 1998-2018
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Et bien que ces lasers soient d’abord mis en construction et en essais dans des labo-
ratoires civils, il serait naïf de croire qu’ils ne seront pas utilisés par les militaires, la
défense nationale étant prioritaire dans tous les Etats.
Cette menace potentielle est à prendre en compte de manière beaucoup plus sérieuse
que les pseudo-problèmes de réchauffement climatique, qui sont mis en scène et mé-
diatisés comme pour occuper l’opinion publique mondiale avec de l’accessoire pen-
dant que l’essentiel pour la sécurité mondiale est ailleurs.
Placée de fait dans le camp non-occidental, la Russie pourrait faire profiter la Chine
et l’Inde d’une partie de son potentiel technologique militaro-environnemental, en
rééquilibrant les rapport est-ouest avec un potentiel dissuasif équivalent, mais au ris-
que d’une situation encore plus dangereuse en cas de conflit entre les uns et les au-
tres. La Russie et la Chine organisent déjà des manœuvres militaires communes. La
Russie et l’Inde développent ensemble un missile hypersonique de dernière généra-
tion (le Brahmos), et aident l’Iran à maintenir son programme nucléaire.
Dans ce contexte d’incertitude, quel que soit le risque environnemental réel, chaque
pays qui le peut essaie désormais de s’organiser préventivement pour supporter le
mieux possible une éventuelle crise mondiale grave, avec des réserves militaires et
économiques renforcées, des accès privilégiés aux ressources essentielles, et une posi-
tion de force par rapport à ses concurrents (c'est-à-dire à quasiment tous les autres
pays…).
Politiquement et diplomatiquement, devant le manque de visibilité stratégique et de
confiance dans les autres, et les incertitudes sur l’avenir de la société mondiale, les
gouvernements se déterminent donc à court terme, en gardant autant de flexibilité
que possible dans leurs engagements. Cela les amène à participer opportunément à
des opérations d’intérêt commun tant qu’elles sont profitables, en empêchant éven-
tuellement leurs concurrents d’en faire autant.
Les alliances traditionnelles entre Etats laissent alors place à des conjonctions
d’intérêts temporaires à géométrie variable. Ce qui n’améliore en rien, au contraire,
l’instabilité mondiale actuelle, soumise par ailleurs à une fragilité économique liée à
une spéculation financière qui gangrène les monnaies et les marchés.
Face à de tels enjeux et à de tels risques, le développement des pays les plus pauvres
n’est pas la principale préoccupation, ni la plus prioritaire, des Etats dominants, qui
peuvent techniquement et financièrement aider ce développement, mais lorsque c’est
dans leur intérêt stratégique concurrentiel du moment. Et là, par exemple, alors que
les riches pays occidentaux du G7 conditionnent l’aide chichement apportée aux pays
pauvres à un respect des valeurs et des intérêts occidentaux, les pays émergents
contrarient cela en aidant les pays pauvres avec des conditions différentes, gagnant
ainsi de nouveaux marchés. La Chine re-colonise en partie l'Afrique.
Cette concurrence est désastreuse pour les plus pauvres. Faute d’entente politique ré-
gulatrice, la spéculation économique sévit. Il en résulte notamment depuis 2008 des
émeutes de la faim dans plusieurs pays, avec de sévères répressions policières. La fa-
mine qui touchait auparavant surtout les zones rurales des pays en retard de dévelop-
pement, atteint désormais aussi des zones urbanisées, y compris dans certains pays
émergents. Le système international d’aide d’urgence piloté par l’ONU étant incapa-
ble d’y faire face, le FMI et la FAO évoquent des risques de guerre, et des centaines
de milliers de morts de famine, quel que soit le nombre de victimes des affronte-
ments. Cette menace là est malheureusement plus réelle que la menace climatique.
Mais une fois de plus, les causes et les remèdes sont exposés de manière contestable.
Par exemple, comme pour occulter le fait que son aide au développement ait baissé
au lieu d’augmenter comme promis, l’Union Européenne profite de l’occasion pour
surenchérir dans l’éco-catastrophisme, en mettant sur le compte du réchauffement
climatique les problèmes d’accès à l’alimentation, dus en fait à la concurrence sauvage
internationale et à la spéculation financière.
Conférence des ONG en statut à l’ONU / Comité du Développement – Genève Rapport de relance Marc CARL mai 2008 page 6