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Cette complexité était renforcée par une connaissance insuffisante des
          principes physiques qui régissaient le temps, ainsi que par la façon d’opérer
          (en partie aléatoire) de l’ordinateur ainsi programmé et alimenté.

             Pour justifier plus spécifiquement sa réflexion, Lorenz travailla sur un
          modèle météorologique encore plus simple, lié à un phénomène particu-
          lièrement important dans ce contexte : la convection, c’est-à-dire le mou-
          vement d’un fluide (liquide ou gaz) sous l’effet de la chaleur. La chaleur
          de la surface de la Terre provoquait des courants ascendants dans l’at-
          mosphère, donnant éventuellement lieu à des nuages orageux. Ce phé-
          nomène avait été décrit par certaines équations aux dérivées partielles
          classiques, qui liaient la vitesse du fluide et la propagation de la chaleur.

             En introduisant quelques simplifications, Lorenz parvint à une descrip-
          tion du phénomène au moyen d’un système de trois équations différen-
          tielles ordinaires : dx/dt=10y-10x, dy/dt=xy+28x-y, dz/dt=xy-8/3z. Mais
          le calcul numérique de la valeur des variables x, y, z révélait ensuite une
          grande complexité de la dynamique du système, qui ne tendait ni vers un
          état stationnaire, ni vers une évolution périodique. En effet, les oscillations,
          régulières au début, devenaient par la suite complètement chaotiques. Le
          diagramme des phases, en trois dimensions, montrait que les trajectoires
          s’enroulaient autour d’un objet en prenant une forme étrange.

             Une telle figure, inscrite dans l’espace des phases, était effectivement
          l’un des premiers exemples d’un nouveau type d’attracteurs, décrit pour la
          première fois par David Ruelle et Floris Takens dans le contexte de la
          théorie des systèmes dynamiques, et qui se présentait en systèmes de di-
          mension trois (comme celui de Lorenz) ou supérieure à trois. L’attracteur
          avait été qualifié d’étrange parce qu’il n’était pas simple comme un point
          (qui indique un état asymptotique stationnaire) ou un cycle-limite (qui in-
          dique un état asymptotique périodique), mais parce qu’il pouvait présenter
          les formes les plus improbables, et peut-être même des formes impos-
          sibles à visualiser sans l’aide d’instruments graphiques informatisés.

             De cette façon, en présence d’un attracteur étrange, le comportement
          asymptotique d’un système apparaissait aléatoire, en ce sens que chaque
          ensemble de conditions initiales -même lorsqu’il s’agissait de conditions
          initiales très proches, presque identiques- pouvait donner lieu à un com-
          portement très différent au cours du temps. Par conséquent, puisqu’en
          réalité les conditions initiales d’un système n'étaient jamais connues avec
          une précision absolue, une prévision exacte était impossible, même si en
          théorie le comportement du système était supposé déterminé.



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